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COURS 49 : COMPOSITION LA FUGUE


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COMPOSITION

Jean Sébastien Bach : Fugue en ré mineur BWV 851

La fugue est la forme musicale la plus complexe que nous aborderons dans nos cours de composition. La difficulté principale est due au fait que ses éléments thématiques, plutôt longs, se superposent dans les trois voix en imitations semblables ou contraires rigoureuses et avec peu de possibilités de modification ou de variation, hormis la mutation du sujet.

Pour commencer : votre premier envoi

Analysez donc attentivement cette pièce avant d’écrire vos premières figures de schèmes. Vous constaterez qu’ils doivent être très simples. Ils devront pouvoir en effet se superposer facilement les uns aux autres. Comme pour l’invention, privilégiez les intervalles conjoints et les mouvements dynamiques. Évitez les grands intervalles, quartes et quintes ainsi que l’intervalle disjoint après la dernière note au levé.

Choix des schèmes du sujet et du contre-sujet

L’étape essentielle pour réussir cette fugue est l’élaboration du sujet et du contre-sujet. En effet, ces éléments seront omniprésents dans la pièce.

- Il n’est pas obligatoire de suivre Bach sur les figures métriques des schèmes. Vous disposez d’une certaine liberté de ce point de vue. Vous pouvez en choisir d’autres mais après avoir attentivement analysé comment Bach les emploie dans la suite de la pièce. Préférez des figures métriques simples qui se superposeront aisément dans la fugue.

- La tonique a un rôle important pour l’identification du mode. Vous aurez intérêt à ce qu’elle arrive très rapidement dans votre sujet. Plus celui-ci sera identifiable modalement, plus les tonulations et modulations seront évidentes.

Les successions des schèmes b et des schèmes d deviendront des entités à part entière, b-b et d-d, qui seront reprises telles quelles dans la fugue, d’où la nécessité qu’elles ne soient pas trop complexes mélodiquement. Il n’est pas possible en effet de modifier l’intervalle libre ou l’intervalle de jonction entre les deux schèmes b ou d de ces entités thématiques.

Deux superpositions dont il faudra contrôler rigoureusement le contrepoint et l’harmonie, se retrouveront souvent :

- Les schèmes d-d doivent pouvoir se superposer au schème a et au schème c.

- Les schèmes b-b doivent pouvoir se superposer au schème c.

De ce point de vue, il y a deux mesures clé dans l’exposition de la fugue de Bach : les mesures 3 (d-d/a) et 4 (b-b/c).

Pour commencer cette pièce et comme premier travail à m’envoyer, je vous propose donc de réaliser deux ou trois sujets réponses et avec en plus pour chacun d’eux, les superpositions suivantes avec leur chiffrages :

- a et d-d

- c et d-d. Vous pouvez les élaborer en superposant les 3 : a, d-d et c

- c et b-b

- a et a contraire

Grâce au contrepoint renversable, nous pourrons replacer ces éléments à toute voix dans la suite de la fugue. Indiquez rigoureusement les chiffrages, ils résoudront bien des problèmes :).

Composition de la fugue

Respect des structures

La fugue est la forme musicale la plus rigoureuse. Le modèle de Bach est très riche et idéal pour cet apprentissage. Il faut donc en reprendre telles quelles ses structures, c’est-à-dire ici la disposition des éléments thématiques (sujet, CS, dd-bb) dans les voix. Elles conféreront à votre pièce l’unité thématique qui est la marque particulière d’une fugue.

Méthode de travail

Dans la fugue, la méthode de travail est très importante. Comme dans les exercices de canon, il faut suivre dans chaque divertissement un ordre bien précis en plaçant d’abord les éléments qui ne peuvent pas être modifiés :

- En premier, il faut toujours reporter le sujet sans aucune modification s’il est exposé intégralement (a-b-c). Qu’importe la voix où il figure, c’est toujours lui qui doit être écrit en premier et sans être modifié. Il n’est pas donc possible de changer (dans un premier temps tout au moins) les intervalles libres entre les schèmes a-b-c qui le composent. On pourrait d’ailleurs placer dans un premier temps, si on le voulait , toutes les expositions des sujets de la fugue. En plaçant le sujet à la bonne hauteur, on anticipe également les structures cadentielles dont il est porteur. Si la fin du sujet doit arriver sur telle cadence, on place sa première note de manière à y parvenir.

- On place ensuite les éléments plus brefs qui doivent aussi être imités rigoureusement comme les parties du contre-sujet ou du sujet. Les chiffrages permettent souvent de les placer automatiquement

- Enfin, il y a souvent une partie libre qui reprend d’une manière éloignée les éléments du sujet ou du contre-sujet.

Trouver la bonne hauteur pour commencer le sujet est donc une phase importante. Toutefois, il ne faudra pas hésiter à transposer l’ensemble des voix si nécessaire, par exemple pour parvenir à une cadence en fin de phrase.

Les passages les plus difficiles sont ceux où il n’y a pas de partie libre comme les strettes par exemple. Il est alors parfois nécessaire de modifier légèrement certains intervalles.

Modifications du sujet ou cs

La forme de la fugue est dérivée du canon. Pour que les éléments thématiques restent perceptibles dans un tissu sonore si complexe, ceux-ci doivent très souvent imités tels quels, sans modifications des schèmes qui les composent : c’est souvent le cas du sujet mais aussi des éléments qui forment le contre-sujet comme les successions bb et dd.

Lorsque vous avez trouvé le sujet et le contre-sujet qui vous conviennent, il faut les conserver comme un bloc indissociable durant toute la pièce. Si l’un passe en mouvement contraire, l’autre le devient également. Les chiffrages vous permettent de les reproduire facilement à l’identique.

1er divertissement du développement

Un divertissement est un vrai développement. Il faut donc que l’auditeur puisse en déceler la logique. Dans le premier divertissement du développement, les mesures 10 et 11 doivent imiter complètement la mesure 9 comme le fait Bach dans sa fugue. Il faut donc reprendre aux trois voix les structures que vous avez placées dans la mesure 9. Les changements de tonalités se font alors en fonction des différentes imitations obtenues. Ainsi, si vous avez un accord V dans la mesure 9 et que vos imitations s’effectuent avec un intervalle d’imitation de seconde, il n’y aura aucun problème de tonulation. Elles se feront très logiquement de ré mineur à do majeur puis à sib majeur. C’est ce que l’on appelle une marche harmonique. Il y aura donc intérêt ici à placer votre sujet de manière à obtenir une articulation cadentielle et à conserver l’imitation à la seconde inférieure.

Marge de liberté

Nous disposons de peu de liberté pour varier les éléments exposés. Il faut donc choisir avec une grande attention la hauteur à laquelle se reproduit le sujet. Il arrive bien sûr des passages où l’on se trouve sans solution. On peut jouet alors sur un intervalle libre ou un intervalle de jonction. En analysant bien la pièce de Bach, vous constaterez qu’il prend parfois quelques libertés par rapport au matériau exposé. Certains éléments thématiques seront modifiés le moins possible : le sujet, le contre sujet, ou les éléments issus du sujet ou du contre-sujet comme les successions b-b et d-d. Mais il y a aussi dans certains divertissement des passages où l’emploi d’un seul schème est plus libre comme dans le premier divertissement du développement.

Grand rythme

Dans la fugue, pièce polyphonique par excellence, nous devrions pouvoir confier chaque voix à un instrument différent. Il faut donc penser une continuité mélodique de chaque voix du début à la fin de la pièce (bien sûr c’est un idéal vers lequel il faut tendre car la réalité nous éloigne trop souvent de cet objectif). En tout cas, chaque ligne prise séparément doit pouvoir être chantée et avoir un réel intérêt mélodique.

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Jean-Luc KUCZYNSKI
Jean-Luc KUCZYNSKI est compositeur et professeur de composition musicale depuis 1988 aux ACM et depuis 1999 à l’école d’écriture et de composition Polyphonies.
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