Sixte napolitaine et fausse cadence
"Dans le cours 49, vous indiquez au sujet de l’accord II minoré, dit de "sixte napolitaine", qu’il s’enchaîne très souvent à l’accord V, et parfois à l’accord I. On peut donc en déduire que l’enchaînement II minoré-I n’est pas une fausse cadence ?"
Exactement, dans ce cas particulier, il ne s’agit pas une fausse cadence bien que l’enchaînement soit II-I. La perception de la sixte napolitaine passe avant celle d’une fausse cadence habituelle.
Cela dit, l’emploi de l’enchaînement II minoré-I est très rare. Je ne me souviens pas l’avoir déjà rencontré, hormis dans les traités d’harmonie pour tonuler ou moduler, en majeur ou mineur. Ce n’est pas le cas de II minoré-V qui est l’emploi le plus courant de la sixte napolitaine.
La sixte napolitaine
Rappelons ce qu’est la sixte napolitaine. C’est un accord sur le second degré en mineur dont la fondamentale est minorée, c’est-à-dire abaissée d’un demi-ton par un bémol ou bécarre. Traditionnellement, cet accord est employé en position de sixte [1] et est suivi d’un accord de dominante. En la mineur, l’accord II minoré est sib-ré-fa. On notera que Beethoven n’hésite pas à le pourvoir d’une 7ème dans ses sonates. On comprend avec cette introduction d’un si bémol dans le ton de la mineur que cet accord a un grand intérêt pour tonuler ou moduler. On peut arriver facilement par exemple de sib majeur ou fa majeur en la mineur avec cette accord sixte napolitaine (sib-ré-fa) enchaîné à V de la mineur.
C’est probablement pour éviter la quinte diminuée ("diabolus in musica") qu’elle a été inventée. En mineur, le second degré comporte une quinte diminuée (en ré mineur : mi-sol-sib). En minorant la fondamentale de l’accord, l’intervalle devient juste et l’accord devient une triade majeure. Cela n’est vrai qu’en mineur. C’est d’ailleurs probablement pour cela que la sixte napolitaine n’a de sens qu’en mineur.
On trouve parfois aussi l’enchaînement II minoré-II-V.
"Je viens d’en entendre une dans ce morceau, autant en faire profiter les oreilles de tout le monde. Sur la fin du thème, on est en la mineur, on a Bb(bII) 2 mesures, Bmb5 (IImb5) 1 mesure, E7 (V7) 1 mesure et retour à Am (Im)." J.P B.
C’est une excellente illustration de cet enchaînement. On peut citer aussi la musique du thème du film Le Parrain de Nino Rota, que je viens d’analyser pour les sessions d’arrangements.
L’exemple est en do mineur et il se trouve dans la coda du développement juste avant la réexposition du thème (facilement reconnaissable). Dans cet exemple, on entre en do mineur avec la sixte napolitaine : Réb - rém7b5-Sol- reprise du thème avec I de do mineur.
Notes
[1] L’accord est en premier renversement d’où cette dénomination.
- cadence
- cours
- harmonie
- sixte napolitaine
article publié le samedi 22 juin 2013 et lu 20396 fois.
Jean-Luc KUCZYNSKI est compositeur et professeur de composition musicale depuis 1988 aux ACM et depuis 1999 à l’école d’écriture et de composition Polyphonies.
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