« Eos auloedos, qui citharaedi fieri non potueront » Ciceron.
(Ils jouent de la flûte, ceux qui n’arrivent pas à jouer de la guitare).
Cet article très concis trace les grandes lignes de l’évolution historique de l’instrument, sa forme et son répertoire, incluant des références aux luthiers et compositeurs qui l’ont fait évoluer. Lire l’article
Bien que les époques antérieures au XVI° siècle ne nous aient pas laissé de musique pour la guitare, il peut être intéressant de chercher à remonter aux sources les plus lointaines pour retrouver une possible filiation.
Les ancêtres de la guitare doivent posséder les mêmes caractéristiques que l’instrument actuel, donc :
Etre un instrument à plusieurs cordes pincées.
Avoir des "flancs" (c’est-à-dire avoir approximativement la forme d’un huit).
Posséder un manche sur lequel on puisse poser les doigts afin de raccourcir la longueur de la corde vibrante.
Beaucoup d’instruments anciens, retrouvés à l’état de gravure, de terre cuite, de sculpture, etc... répondent à certaines de ces conditions ; peu satisfont aux trois.
Nous pouvons aussi orienter nos recherches vers les instruments classés sous le vocable général de « cithara », mot grec qui a donné le mot de guitare. Certaines considérations philosophiques permettent de faire un rapprochement entre le mot cithara et le mot "poitrine", sans que l’on sache vraiment si c’est parce que l’instrument était placé sur la poitrine, si c’est parce qu’il résonne comme notre cage thoracique, ou encore si c’est parce qu’il symbolise le langage du cœur, ce qui serait bien joli... Quoi qu’il en soit, cithare grecque, lyre étrusque, luth égyptien ou babylonien, guitare hittite, tous ces instruments sont la preuve des racines profondes et lointaines de la guitare.
Tout autour de la Méditerranée, grâce aux échanges commerciaux et culturels, la guitare voyage. Les Arabes l’emportent jusqu’en Espagne où elle s’implante fortement ; d’autres musiciens ambulants la font connaître en France et en Allemagne. C’est là qu’elle prendra à partir des VII° et IX° siècles le nom de "guiterne" ou de "quinterne".
En 1190, un poète normand, Geoffroy de Vine parle des guiternes qui « excitent le sommeil ». Les miniatures des "Cantigas" d’Alphonse le Sage (XIII° siècle) nous montrent deux instruments : une « guitare mauresque » et une « guitare latine ». La première a une caisse ronde et un fond plat. Elle est montée de quatre cordes et servait principalement à accompagner le chant, la sonorité en était assez criarde. La seconde a déjà la forme bien caractéristique de la guitare. Elle possède aussi quatre cordes, il y a quatre frettes sur le manche. Elle servait à interpréter les airs et danses de l’époque.
Les témoignages abondent. Dans un rapport de 1349 sur les comptes du duc Jean de Normandie, on cite Jean de Haute-mer qui joue de la guitare latine et Richard l’Abbé qui joue de la guitare mauresque. En 1360, un inventaire du duc d’Anjou cite trois hommes dont l’un joue de la guiterne.
En 1363, Edouard III d’Angleterre avait à sa cour un guitariste de Bruges nommé André Dester.
En 1370, un Flamand, Guillaume de Ghitersele (le guitariste) est un joueur de guiterne de Charles V. En 1373, un des livres de la bibliothéque de ce roi cite « une guitare à une teste de Lyon en un étui de cuir ».
En 1417 , on trouve chez un chanoine de Cambrai « une harpe, un leu(luth), une guiterne, une rebecle(rebec), une vielle ».
Vers 1430 , à la foire de Grammont (Pays-Bas), deux guitaristes participent au défilé de Saint-Sacrement.
Petit à petit, l’instrument populaire se transforme et il finira par intéresser les musiciens les plus proches de la cour, ce qui nous vaudra enfin quelques compositions dont il reste des traces.
Dans un livre édité à Poitiers en 1557 et traitant de « la manière de bien et justement entoucher les lucs (luths) et les guiternes », c’est à dire de la façon de diviser le manche de ces instruments pour obtenir des intervalles justes, on trouve ceci ; « Depuis dix ou douze ans.... Tout notre monde s’est mis à guiterner ; le luc (luth) presque mis en oubli... en manière que vous trouverez aujourd’hui plus de guiterniers en France qu’en Espagne ».
Ceci est vraisemblablement exagéré car il nous reste beaucoup plus de musique pour luth de cette époque que de musique pour guiterne, mais l’instrument a obtenu droit de cité.
Quelques musiciens ont écrit pour la guitare vers le milieu du XVI° siècle et leurs œuvres furent éditées. Pour les jouer, il faut utiliser soit une reconstitution de l’instrument de l’époque, soit l’instrument actuel en sachant que le résultat sonore sera passablement différent. La guiterne, comme le luth, a des cordes doubles formant quatre chœurs accordés comme les premières cordes de l’actuel guitare : ré, sol, si, mi du grave à l’aigu. Pour exécuter les oeuvres pour guiterne, il faut aussi savoir lire ou transcrire la tablature.
Voici un exemple de tablature pris dans un branle de Poitou de Adrian Le Roy. Le début de la transcription qui suit permet de comprendre le principe de cette tablature qui est la chose la plus intelligente qui soit et n’a pas été inventée, comme on pourrait le croire, pour éviter l’étude du solfège aux instrumentistes. L’imprimerie de l’époque adopte un système qui ne permet que l’impression d’une voix sur une seule portée. Or, la musique pour guitare ou luth est polyphonique et le nombre de voix varie constamment, passant de une à six (pour le luth). Il faudrait donc employer en permanence six portées dont certaines seraient le plus souvent vides ! On conçoit facilement la difficulté de jeu et de compréhension.
Au lieu de cela, la tablature représente le manche de l’instrument. Elle possède autant de lignes que l’instrument a de cordes : quatre dans le cas qui nous intéresse. La première corde (la plus aiguë) est en haut.
Il n’est pas moins certain que son emploi aurait du être provisoire car, de claire et universelle au début XVI° siècle, la tablature est devenue encombrée et personnelle donc très peu pratique au XVIII° siècle.
Voici les noms de quelques musiciens qui composèrent pour la guitare à quatre chœurs au milieu du XVI° siècle : Adrian Le Roy, Alonso Mudarra, Miguel de Fuenllana, Jean-Antoine de Baîf, Guillaume Morlay, Simon Gorlier et Grégoire Braysing.
Musicien accompli au contact des grands compositeurs qu’il éditait, Adrian Le Roy écrivait pour le luth, la guitare et le cistre. Il fut le premier à écrire une méthode pour la guitare intitulée : « Briefve et facile instruction pour apprendre la tablature, à bien accorder, conduire et disposer la main sur la guiterne ». De 1551 à 1554, Adrian Le Roy fit paraître cinq livres de « tablature de guiterne ». L’un de ces cinq livres est de Grégoire Braysing, guitariste allemand. Les autres sont une suite de danses ou de chansons dont peu sont originales pour la guitare.
Les autres pièces connues écrites pour la guitare à quatre cordes sont l’œuvre de quelques vihuelistes espagnols. Il n’est pas dans notre propos de traiter ici de la vihuela, cet instrument merveilleux typiquement espagnol et disparu prématurément, avant la fin du siècle. En effet, pour nous, la vihuela est aussi différente de la guitare que le luth peut l’être.
Les luthiers étaient assez nombreux à fabriquer des guitares. Le plus connu et le plus grand était Gaspard Tieffenbrucker, bavarois, fixé à Lyon en 1533 et naturalisé Français par Henri II sous le nom de Duiffopruccar. Dans la même ville, quelques années plus tard, Philippe Flac est un luthier renommé pour ses guitares. A Paris, Claude Denis et Jacques Limosin ; à Florence, Cariari ; en Espagne Belchior Dias, contribuent à l’amélioration de l’instrument qui prendra un nouveau départ, au début du siècle suivant, après une légère désuétude.
LA GUITARE A CINQ CHOEURS
Dès la seconde moitié du XVI° siècle , une cinquième corde est ajoutée aux quatre précédentes. On attribue généralement la paternité de cette nouvelle corde au poète espagnol Es pinel.
Vers 1548 le père Bermudo précise également l’accord de ces instruments : sol, ré, sol ; si pour le « viel accord », la ,ré, sol, si, mi pour la guitare à cinq cordes, c’est-à dire l’accord actuel de nos cinq premières cordes. Cet accord est confirmé par Montesardo en 1606.
Cette façon d’accorder avec un bourdon à la quatrième corde est confirmée par Antoine Carré de La Grange en 1671. En 1699, paraît un document extrêmement important qui précise clairement l’accord de la guitare dite "baroque".
Durant tout le XVII° siècle , deux sortes de guitare coexistèrent, chacune ayant un rôle particulier et toutes deux bien des points communs.
La guitare battante, qu’on jouait avec un plectre (on battait ainsi une suite c’accords) ;
La guitare baroque était utilisée pour jouer punteado (comme l’on disait en Espagne), avec les doigts, une musique contrapuntique.
La longueur de la corde vibrante augmente progressivement de 55 cm à 70-72 cm pour diminuer jusqu’à 34-65 cm, mesure qui est utilisée aujourd’hui.
I T A L I E
Au cours de ce XVII° siècle , paraissent de nombreux livres. Ceux de Francesco Corbeta (1610- 1620 mort en 1681 à Paris) contiennent de précieux renseignements sur l’art de l’ornementation de l’époque, de nombreuses pièces de Corbeta lui-même ainsi que des transcriptions de compositeurs de l’époque. Signalons quelques autres compositeurs qui firent paraître un ou plusieurs livres avant la fin du XVII° siècle :
En 1653 G.Banfi , il maestro di chitarra.
En 1660 Tamaso Marchetti, Primo libro.
En 1663 G.Bottazari Suonate nueve.
En 1692 Ludovico Roncalli, Caprici armonici.....
Les luthiers Italiens avaient fourni à ces musiciens de remarquables instruments. Citons :
Giovanni Smith
Giorgio Jungmann
et surtout les frères Sellas.
E S P A G N E
Sans conteste, au XVII° siècle, le plus grand guitariste est Gaspard Sanz. Il donne quelques précisions sur la guitare employée à son époque : la guitare « espagnole » qui n’a que quatre cordes. A Madrid le maitre Espagnol, Espinel, l’augmenta de la cinquième et c’est de là que commence sa perfection.
F R A N C E
En 1660 de nombreux musiciens vinrent d’Espagne s’installer à la cour de France. Ainsi Bernard Jourdan de La Salle né à Saint-luc en Espagne, devint le professeur du Roi-Soleil jusque sa mort en 1695. Puis ce fut le tour de son fils vers 1681. En fait, c’est Robert de Visée qui, dès cette date, est le maître de guitare du roi, car il en était très apprécié.
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Robert de Visée indique une nouvelle façon d’accorder la guitare ; si, ré, sol, ré, (du grave à l’aigu). Puis il donne, commme Corbeta, quelques précisions sur l’exécution de la tablature. Comme lui il insiste également sur l’étouffement de certaines notes « afin d’éviter les dissonances et pour rendre le chant plus distinct ».
Le dernier guitariste français ayant écrit pour la guitare à cinq chœurs est François Campion, né à Rouen en 1684. Ce musicien est le contemporain exact des trois grands Allemands ; Bach, Haendel, et Telemann.
En cette fin de siècle, la guitare brille de ses derniers feux avant de s’éteindre provisoirement, laissant la place aux clavecins, aux flûtes et aux autres formes instrumentales et musicales plus sonores et plus au goût du jour.
De nombreux luthiers avaient fourni à toute cette aristocratie des instruments dignes de leur luxe. Citons : Du Mesnil, Alexandre Voboam et son fils, Claude Bovin, juré de la corporation des maîtres luthiers de Paris, Joachim Tielke (Hambourg), Jacob Stadler (Munich)... Et même Stradivarius qui a laissé deux magnifiques guitares.
Pendant la première moitié du XVIII° siècle la guitare va vivre sur sa réputation. On cherche à en améliorer la sonorité et ses possibilités techniques. En 1757 , un avocat, M. Domajou présente à l’Académie royale des sciences une brochure intitulée : "De la préférence des vis aux chevilles pour les instruments de musique". L’Académie jugea que « La substitution des vis aux chevilles proposée par M. Domajou était bien imaginée et utile, non seulement parcqu’elle donnait une plus grande facilité d’accorder, mais encore parce que les cordes une fois tendues de cette manière peuvent ni se lâcher totalement, ni se détendre qu’en s’allongeant d’elles mêmes... Pourtant les « mécaniques » ne furent véritablement adoptées qu’au siècle suivant.
La seconde moitié du siècle voit un regain d’affection pour la guitare. Il semble que ce soit surtout dû à l’action des luthiers, de plus en plus nombreux. Ils affinent l’instrument, le débarrassent de toutes les incrustations qui, nuisibles, en faisaient un objet de salon et non un instrument de concert. Citons : Jean Charles à Marseille ; Vincenzo Fabricatore à Naples ; Lamblin à Gand ; Gérard Deleplanque à Lille ; Jean-Baptiste Champion à Paris. Ces luthiers qui préparent la voie au grand mouvement guitariste du siècle suivant font aussi des recherches marginales et créent des monstres : la « guitare-lyre », la « harpe-guitare » au corps de harpe, le « décacorde » avec ses six cordes sur le manche et quatre dans le vide, comme le théorbe...
En 1789, Le François construisit une guitare à deux manches et dix-huit cordes !
En 1780, Charles Louis Bachmann imagine une espèce de guitare à clavier qui porte vers la droite de la table un mécanisme dont on fait frapper les cordes par de petits marteaux.
En 1777, Vidal édite six sonates de guitares avec accompagnement de basse. En 1178 on compte plus de vingt professeurs à Paris.
Bien entendu , on ne se sert plus de la tablature. Jean-Baptiste Merchi écrit à ce sujet dans son « Guide des écoliers » : « Pourquoi la guitare, cet agréable instrument aussi harmonieux que le clavecin, si propre à l’accompagnement, est-elle asservie à la tablature ? Je crois que c’est un abus et je le prouve par les raisons suivantes : ceux qui ne connaissent que la tablature ne jouent et n’accompagnent que routine et sans mesure ; ceux qui se servent de la tablature avec succès étaient bons musiciens avant de la connaître et n’en avaient pas besoin. Ces raisons m’ont engagé à la supprimer de cet ouvrage. Si l’on m’objecte qu’elle est nécessaire pour marquer les positions, je répondrai que le violon et le violoncelle, n’ont pas besoin de tablature et que la guitare en a moins besoin qu’eux puisqu’elle a des touches ».
Parallèlement à ce mouvement parisien auquel on peut adjoindre les noms de Trille Labarre, de Lemoine, d’Antoine Lhoyer et de François Guichard, un mouvement semblable, en Espagne, peut-être plus didactique et plus traditionnel, forme un certain nombre de guitaristes. La conjoncture de ces deux courants et de ceux qui s’amorcent aussi en Italie et en Autriche donnera naissance à la grande époque romantique de la guitare.
Deux luthiers semblent se partager l’initiative d’une sixième corde :
Maréchal (Paris 1801)
Jacob August Otto, luthier à la cour de Weimar (même époque).
D’autre part, quatre méthodes parues en Espagne en 1799 étaient écrites pour une guitare six chœurs. Ces cordes sont aussi bien doubles que simples. Cette coexistence sera précisée par Dionisio Aguado qui dit jouer sur des cordes simples, mais connaître à Bruxelles au musée du conservatoire, une guitare à six cordes doubles fabriquée par José Pages, luthier à Cadix en 1808.
La forme de l’instrument se modifie, toujours dans le sens de la simplification. La lutherie de violon influe de façon importante.
Le renouveau de la guitare à cette époque fut vraiment un fait européen ; et il est intéressant de relever quelques dates de naissance parmi celles des guitaristes romantiques qui, venus d’horizons bien différents, avaient pourtant un point commun : ils ignoraient tout de leurs prédécesseurs. C’est ce qui explique d’une part l’originalité des nouvelles œuvres par rapport aux anciennes, mais aussi, souvent leurs faiblesses, les nouveaux guitaristes ne bénéficiant pas de l’expérience de leurs aînés.
Dates de naissances : Ferdinando Carulli 1770, Pierre Plouvier Gand 1770 ; Dionisio Aguado Madrid 1784 ; Matteo Carcassi Florence 1792. Mauro Giuliani Bologne 1780 ; Franscesco Molino Florence 1775 ; Fernando Sor Barcelone 1778 ; Anton Diabelli Salsbourg 1781 ; Nicolo Paganini Génes 1782 ; Luigi Legnani Ferrare 1790.
C’est à cette époque qu’apparaît la notion de concertiste, notion propre à encourager un jeu brillant et rapide, mais masquant souvent bien des pauvretés. Les guitaristes, comme les autres musiciens d’ailleurs, voyageaient beaucoup, ce qui compte tenu des moyens de l’époque, représentait une somme d’efforts et de fatigues considérables. Cela permit, entre autres choses, un contact entre les deux capitales de la guitare : Paris et Vienne.
A Paris la guitare n’est acceptée que comme un instrument marginal et de virtuosité.
A Vienne, si l’on écrit aussi des petites choses comme des airs variés, la guitare fait la conquête des musiciens non guitaristes, comme Ignaz Moscheles, pianiste et compositeur de talent, Hummel également pianiste et compositeur, l’un des plus brillants élèves de Mozart et le successeur de Haydn au service des princes Esterhazy, Diabelli et même Beethoven acceptèrent et estimèrent la guitare et ceux qui en jouaient... De même , Kreutzer, Simon Polidor, Karl Maria Von Weber, composèrent des œuvres de musique de chambre.
C’est la plus belle époque pour la musique de chambre avec guitare.
Un grand virtuose qui s’apparenta quelques temps à l’école de Vienne, s’intéressa beaucoup à la guitare : Nicolo Paganini (1782-1840). Pendant les premières années du siècle, il donna même le pas à la guitare sur le violon. Il disait de la guitare : « je la considère comme mon maître à penser je la prends parfois pour exciter ma fantaisie en composition ou bien faire apparaître une suite de tons, ce que je ne peux pas faire sur le violon ».
Berlioz qui débuta sur la guitare écrivait à propos d’une soirée passée avec Paganini : « ... Avec pour partenaire M.Sina, un notable violoniste allemand qui exerçait sa profession à Paris, Paganini joua de la guitare.. et tira de cet instrument des effets inouïs. » Berlioz racheta d’ailleurs la guitare de Paganini à sa mort en 1840.
Durant la deuxième moitié du XIX° siècle il y a quelques compositeurs importants. Ils sont de deux sortes :
ceux qui presque de la même génération que les Carulli, Sor etc. ont vécu simplement plus longtemps qu’eux et, bien que créatifs, suivent une ligne tracée par leur prédécesseurs.
et ceux qui, nés dans cette deuxième moitié de siècle, préparent, en Espagne particulièrement le renouveau de la guitare.
Parmi les premiers : Napoléon Coste et Johan Kaspar Mertz. Napoléon Coste né dans le Doubs le 26 juin 1806 aura sa carrière de concertiste écourtée à cause d’un bras cassé. Il se consacra alors à la composition et à l’amélioration de l’instrument, il y ajouta une septième corde un ton plus bas que la sixième ordinaire.
Mais en 1841, on lit dans la gazette musicale de Paris : « Quelques artistes gardent encore le culte de la guitare, mais le nombre s’en amoindrit chaque jour, et, dans quelques années, Dieu sait ce qui sera advenu de ce pauvre instrument si chéri de nos frères ».
Vers 1850 toutes sortes de guitares apparaissent : « la guitare-lyre », fabriquée par Marechal à Paris, la guitare basson, fabriquée par Warnecke de Nancy, la guitare d’amour (7 cordes) qui se joue avec un archet, le guitarron, grosse guitare se jouant verticalement avec un archet ou avec les doigts et quelques harpolyres aux formes variées.
Il faudra attendre la fin du siècle pour que l’influence de quelques guitaristes espagnols obstinés soit suffisante pour renverser un courant qui semble pourtant inexorable.
Et pourtant, les luthiers et les inventeurs en tous genres essayaient d’améliorer l’instrument quand à sa puissance sonore, son étendue et même quelque fois son timbre. On améliore la qualité des cordes. En 1850 ,un brevet fut déposé par un certain Ashburn de Walcottville, qui adapta au manche de la guitare « un pivot sur lequel s’enroule la corde, une vis sans fin manoeuvrant ce pivot ». Cette utilisation de mécaniques fut une des raisons de la survie de la guitare. En 1828, Savaresse (Nevers) obtient une médaille d’argent offerte par la société d’encouragement pour la fabrication des cordes.
A la fin de ce XIX° siècle, la guitare connut un regain d’affection et de célébrité, grâce aux guitaristes virtuoses et pédagogues espagnols, ainsi qu’aux luthiers de talents avec qui ils collaboraient étroitement :
José Pernas, Vicente Arias, Hernando Santos, Manuel Ramirez... tous ces luthiers espagnols améliorèrent son galbe, sa taille, l’épaisseur de la table d’harmonie et des éclisses, etc. Ils s’inspirèrent quasiment tous des travaux et des recherches de Antonio Torres (1871-1893) « le Stradivarius de la guitare » comme on l’appela. Il changea souvent la forme de ses guitares et arriva à fabriquer l’instrument type, modèle de tous ceux qui furent construits depuis (avec bien sûr de légères variantes).
Il fut l’un de ceux qui mirent au point un nouveau barrage de la table de la guitare. Avant lui, les guitares étaient barrées transversalement. Quelques petites barres de sapin servaient de renfort à la table qui pouvait ainsi résister à la tension des cordes. Elles étaient collées parallèlement au chevalet et l’on peut penser qu’elles bloquaient ainsi la table et l’empêchaient de vibrer totalement. Torrés et les autres luthiers utilisèrent alors un autre moyen de renforcer la table tout en permettant une bonne transmission des vibrations : le barrage en éventail. Les barres sont donc presque dans le sens des fibres du bois de la table d’harmonie et conduisant le son, augmente la puissance de l’instrument.
C’est la guitare que l’on connaît aujourd’hui, dans sa forme extérieure et ses dimensions.
De nos jours la lutherie ne cesse d’innover et d’explorer de nouvelles techniques de fabrication, tant dans la recherche de nouveaux matériaux (composites) que dans l’utilisation de nouveaux barrages, explorant ainsi la voie que Torres a su nous montrer.