Occulté par le grand tumulte médiatique qui a accompagné la Coupe du Monde de Rugby, je crains fort qu’un fait divers intéressant ne soit passé inaperçu aux yeux du grand public.
J’ai traversé le passage à niveau sans encombre. Autrement dit, pour ceux qui seraient allergiques aux allégories ferroviaires, j’ai ranci le Rubicon, qui passe, bien à tort, pour le cours d’eau le plus stupide d’Italie. Lire l’article
Occulté par le grand tumulte médiatique qui a accompagné la Coupe du Monde de Rugby, je crains fort qu’un fait divers intéressant ne soit passé inaperçu aux yeux du grand public.
J’ai traversé le passage à niveau sans encombre. Autrement dit, pour ceux qui seraient allergiques aux allégories ferroviaires, j’ai ranci le Rubicon, qui passe, bien à tort, pour le cours d’eau le plus stupide d’Italie.
J’ai pris mon temps, j’en conviens : deux ans sans compter les jours chômés, fériés, les grèves et les arrêts de jeu. Cela peut paraître un peu long, j’en conviens, par rapport A la fourchette indicative donnée dans la plaquette publicitaire de Polyphonies. Elle se situe entre 6 mois pour les plus rapides (les profs des Conservatoires en phase de recyclage) et un an pour les lambins. Que voulez-vous, moi dans ce niveau I, je m’y suis plu. Mais maintenant, je n’y suis plus ! Allons ! Pas de fanfaronnades.
Pendant cette longue période d’ascèse et de méditation mélodico-rythmique, ma vie musicale n’a pas été le long fleuve tranquille que j’avais espéré.
Mais prenons les choses dans l’ordre de leur découverte : Je laisse délibérément de côté le long contentieux accumulé avec mon ordinateur ; il a mérité depuis longtemps la maison de retraite, et puis c’est une affaire personnelle.
Par contre, je ne peux passer sous silence les graves soucis que m’a causée l’utilisation, sans stage d’immersion et de préparation psychologique préalables, de Final le logiciel "sans cœur et sans reproche". Avez - vous remarqué ? Finale peut tout faire, y compris des choses simples, mais toujours de manière compliquée. Il met un point d’honneur, à vous aménager des embuscades aux endroits les plus inattendus. C’est la guérilla, l’approche commando.. . C’est fait sans méchanceté, simplement pour rire. Une de mes meilleures surprises a été incontestablement l’utilisation empirique et intuitive de la fonction "Nombre de mesures par système". L’algorithme de cette fonction est construit sur une dichotomie simplissime, s’inspirant de la théorie du "big bang" en distinguant une phase d’expansion inexorablement suivie d’une phase de contraction. Selon le paramétrage choisi la phrase musicale que vous avez sélectionnée après trois jours de travail intensif va s’étaler paresseusement sur 3 portées ce qui peut constituer un avantage décisif pour masquer l’excessive brièveté de votre cheminement mélodico- rythmique qui ne totalise laborieusement que 3 pulsations alors que le minimum requis est d’une douzaine avec leurs deux phases incontournables : pulsion/répulsion. La phase de contraction est moins plaisante. Suite à une manipulation un peu artisanale des paramètres, vous constatez avec horreur que votre cheminement s’est littéralement réduit à sa plus simple expression, c’est à dire une seule note.
De tels taux de compression ne sont actuellement obtenus que dans les chambres de confinement à plasma de certains laboratoires de physique nucléaire, de manière expérimentale et instable. Comment Final réussit-il cette prouesse technologique, mystère ils ne veulent pas en parler.
Pour revenir à notre problème de compression à l’état fondamental, la note unique, cela ne fait pas notre affaire, et je vous déconseille vivement d’envoyer à Jean-Luc votre œuvre dénaturée accompagnée d’une note explicative ou d’un mot d’excuse de vos parents (pour les plus jeunes) en espérant qu’il saura la décontracter. Vous risquez de vous attirer des commentaires peu flatteurs de la part du Grand Correcteur, du genre : "C’est un peu court jeune homme"(ou jeune femme évidemment si vous êtes une femme), ne chipotez pas ! ) "Travail trop synthétique". Mais où est donc passé le cheminement mélodico- rythmique ? C’est fini pour vous, vous avez perdu, vous ne savez plus ce qu’est votre cheminement mélodico-rythmique devenu.
Il nous faut encore, si vous le voulez bien, aborder le problème de la correction. Celle que l’on s’inflige à soi même, car le projet initial, ne supporte pas votre analyse, il est truffé d’erreurs, sans compter celles que vous ne voyez pas. Avec Final c’est la galère.
Une erreur en cache souvent une autre. C’est alors la réaction en chaîne, appelée aussi par les connaisseurs "la malédiction des dominos".
Je ne souhaite pas entrer dans les détails, cela m’est trop pénible. Je dirai simplement que Finale m’a parfois transformé des exercices de façon incontrôlée, que par lassitude j’ai laissé filer vers Polyphonies. Et bien finalement il n’y avait pas plus de fautes que pour ceux dont j’assumais pleinement la paternité.
Un petit conseils en passant, pour les plus jeunes. Quand vous ne trouvez pas ce que vous cherchez dans Finale, ne paniquez pas, allez directement sur la case "Filtre" sans passer par la case départ, sans donc toucher 2000 Euros (faut pas exagérer). C’est la Samaritaine de Finale. Vous y trouverez tout ce que vous cherchez.
On ne peut éviter de parler des échanges de courrier avec la Direction Centrale de Polyphonies. C’est le cœur même de toute l’activité. Les échanges Elèves -Polyphonies et Polyphonies-Elèves sont basés sur le principe ancestral du Troc. Envois tes exercices - je te Retournerai les corrigés. Un rituel immémorial... On doit commencer sa lettre d’envoi par un : "Bonjour Jean-Luc" incantatoire, même s’il s’agit d’un courrier tardif envoyé à une heure avancée de la nuit.
C’est maintenant que les vrais problèmes commencent : il n’est pas rare qu’une messagerie un peu tatillonne refuse d’envoyer votre message et l’efface tout simplement sans laisser de trace ni d’adresse. Certains anti-virus sont musicophobes (du grec musika : la peur, et phobos : la musique)et refusent de vous transporter. Il faut ensuite que le paramétrage de votre scanner soit impeccable : Pas d’excès de zèle dans la "définition". Et choisissez le format "tiff". Pas de noir ni de couleur , choisissez un bon niveau de gris. Bref, du tristounet. Après plusieurs échanges de tests et de mises au point, Jean-Luc m’a envoyé un message chaleureux d’encouragement :"Ne changez plus rien, c’est parfait". Mais je ne change rien, c’est l’ordinateur qui s’en charge !
Comme un malheur n’arrive jamais seul, il peut se faire que votre pièce jointe soit jugée trop volumineuse ou arrêtée à la douane par un pare-feu trop sourcilleux qui se demande Si la fonction filtre de Final ne sert pas aussi à camoufler un trafic de viagra.
Il m’a fallu parfois dénaturer mon morceau et le débiter en 4 tronçons dans 4 courriels différents, Ce n’est plus de la musique, c’est de la charcuterie. Malgré tout, rêvons un peu : acceptons comme hypothèse de travail que le courriel et sa précieuse pièce jointe sont bien partis. Vous êtes heureux et fier, mais pas pour longtemps : votre courriel est bien parti. Est-il bien arrivé ? Votre professeur va t-il enfin reconnaitre vos réels efforts et acceptera-t-il l’idée que rien n’est parfait en ce bas monde (sauf peut être certains accords, et encore). Vous le saurez en recevant sa réponse, très rapide d’ailleurs. Une mauvaise surprise vous attend : il y a toujours beaucoup plus de fautes que vous ne l’imaginiez, même dans vos hypothèses les moins optimistes. C’est le métier qui rentre ! Personnellement, j’éprouve une peur un peu maladive que mes productions ne parviennent pas à destination. N’ayant pas la preuve irréfragable qu’elles y sont parvenues, je veux me rassurer. Il m’arrive ainsi d’envoyer plusieurs fois le même exercice. Il faut savoir qu’en bout de ligne, au terminus, cette forme de harcèlement musical n’a pas bonne presse et je m’attire, non sans raison, les remarques de Jean-Luc "un seul exemplaire suffit largement". Ensuite il y a redondance, je ne lui apprends plus rien. Une fois même, devant la prolifération malsaine, quasi cancéreuse de mes cellules musicales, il m’a fait une confidence attristée : "Dominique (c’est mon prénom) je m’y perd un peu". Je n’en menais pas large, j’avais probablement touché le fond et m’obstinais à creuser encore Je ne pouvais pas lui répondre "Et moi, si vous saviez" ?
Soyons positif. Depuis que j’ai mon Niveau I, ma vie a changé.
Je n’écoute plus la musique de la même façon. Autrefois je sifflotais ou même chantonnais, insouciant, mais inconscient dans la salle de bain, ou en cirant mes santiag. C’est terminé tout ça. Lorsque j’écoute de la musique, je ne peux plus me retenir : je surveille le cheminement mélodico-rythmique, le placement des pivots. Quant aux accords de 7ème, s’ils ne sont pas préparés, ou résolus ou pire les deux à la fois, j’écris à la Sacem... Même Bach, je contrôle un peu ce qu’il a fait.
J’aimerais faire une pause et passer sous silence l’impact sur ma vie familiale Je veux parler du questionnement de plus en plus pressant de mon épouse. Lors de ses fréquentes réunions entre copines, où les hommes sont exclus comme dans les congrégations religieuses qui se tiennent un peu, lorsque ces dames n’ont plus rien à dire, ce qui est relativement peu fréquent j’en conviens, il leur arrive de parler de leurs époux respectifs et respectables. (ou de ce qu’il en reste). Le dialogue qui suit est une reconstitution simulée mais représentative :
— "Et votre mari, à quoi s’occupe t-il, ma chère ?"
— "Il fait de l’harmonie" répond ma femme.
— "Mon Dieu, à une époque où on en manque tant, comme c’est charmant ! L’harmonie conjugale quel merveilleux programme ! çà m’interpelle !"
— "Non, ce n’est pas non plus de l’harmonie municipale, c’est de l’harmonie musicale dont il s’agit" rétorque ma femme.
— "Oh ! merveilleux ! que compose t’il ?" (c’est entendu, s’il s’agissait d’une femme on dirait que Compostelle pour faire plaisir à St Jacques.)
— "Rien !" répond ma femme un peu agacée.
Elle supporte de plus en plus mal cette humiliation et me pousse toujours d’avantage à composer. Mais moi, je n’aime pas beaucoup les rôles de compositions.
J’en profite, avec la création récente du Club des Elèves pour demander si il n’y aurait pas un grand de 4ème niveau assez gentil pour me filer en 4ème vitesse (c’est urgent) et discrètement (c’est préférable), un cheminement mélodico-rythmique réussi, dont il n’aurait plus l’usage. Avec ça, je crois que je pourrai me débrouiller.
Même dans la famille proche, on ne comprend pas ce que je cherche à faire. La seule exception est sans doute l’un de mes petits fils, à qui je tentais d’expliquer les rudiments du contrepoint... Je lui disais donc, en répétant un peu bêtement le cours qu’il fallait jouer « point contre point ». J’ai provoqué de sa part une réaction enthousiaste "Ah oui. Nous aussi on joue à ça à la récré !" Enfin j’étais compris !
Pour terminer, je ne puis déroger à une tradition, à un devoir sacré : donner quelques conseils basés sur une expérience durement acquise au nouveau contingent de recrues néophytes qui va venir s’entasser au niveau I Ils représentent le blé en herbe, l’espoir, l’avenir, la pérennité.
Conseils :
Ne soyez pas impressionnés par l’arrogance des 7èmes de Dominante. Ils bluffent
Si vous êtes senior, refusez les accords de 7ème sans ascenseur, sauf avis médical favorable.
N’hésitez pas à demander à Jean-Luc de modérer sa frénésie correctrice.. Il m’est souvent arrivé de ne plus pouvoir lire la partition originale.
Dans les exercices de cheminement mélodico- rythmique (il faut bien appeler les choses par leur nom) souvent tortueux et même torturés, assurez-vous que vos pivots sont bien en place (indispensable pour les seniors) . Si vous avez des doutes, parlez en à votre dentiste.
Dans les cheminements, si vous manquez d’inspiration, évitez les croches et les double croches. Les noires et surtout les blanches sont vos amies. Ce sont des dévoreuses à pulsation.
Entraînez- vous dès maintenant soyez résolus !
Préparez-vous ! Mais n’oubliez surtout pas de le faire dans l’ordre inverse lorsque vous rencontrerez votre premier accord de 7ème.
Ne soyez pas "chromatisés" par le non-pivot posé. Au début ça déroute un peu, ensuite aussi d’ailleurs. Si vos problèmes subsistent, vous pouvez là encore en parler à votre dentiste, vous allez probablement le surprendre.
N’oubliez pas enfin, que si l’on trouve apparemment sans chercher, c’est qu’on a longtemps cherché sans trouver. Et je sais de quoi je parle...
Maintenant ça suffit, il faut que je m’arrête. Car si je continue, je crains qu’on ne me jette.
Vous avez vu, des alexandrins avec des rimes féminines et riches en plus ! Pas mal non ? comme dirait Lady Jane ventant les bienfaits d’une marque de gelée royale.
Et puis, je ne voudrais pas agacer Jean-Luc avec mes gamineries. Je vous signale que je l’ai toujours comme professeur principal en deuxième niveau !