Le blog de Polyphonies, école à distance d’écriture musicale et de composition.

Cadences en composition : Demi-cadence ou cadence imparfaite ?

Q : Je connais pour ma part le repos sur la dominante sous le nom de "demi-cadence" et non "cadence imparfaite".

La cadence imparfaite est pour moi une cadence V-I dans laquelle un des 2 accords est sous forme de renversement. Y a-t’il une raison particulière à cette différence de terminologie ? lire la réponse

-"Je connais pour ma part le repos sur la dominante sous le nom de "demi-cadence" et non "cadence imparfaite". La cadence imparfaite est pour moi une cadence V-I dans laquelle un des 2 accords est sous forme de renversement. Y a-t’il une raison particulière à cette différence de terminologie ?"

Nous proposons une approche pragmatique de l’harmonie en vue de son utilisation en composition et non pas d’une pratique de l’harmonie pour elle-même. [1]. Cette approche différente concerne, comme vous avez déjà pu le constater, l’ensemble de notre pédagogie mais également, les cadences en harmonie.

Concernant deux cadences, la cadence parfaite et imparfaite, notre terminologie diffère de celle que vous trouverez dans les traités français.

Ce choix pédagogique a été murement réfléchi par Jean Robert en fonction d’une utilisation réelle des cadences en composition puisque ce sont elles en effet qui structurent le discours musical. Le choix des noms des cadences a été choisi selon leur rôle de ponctuation dans la phrase musicale mais aussi selon leur effet conclusif ou suspensif.

Nous sommes loin d’être les seuls à utiliser cette terminologie. Nous la retrouvons notamment en effet dans les ouvrages théoriques anglo-saxons.

Terminologie des cours Polyphonies

- Cadence parfaite  : Phrase s’achevant par V>I : détente - conclusive

- Cadence imparfaite : Phrase s’achevant par V = tension - suspensive

Terminologie des traités anglo-saxons :

- cadence authentique, cadence standard ou cadence fermée : Phrase s’achevant par V>I : détente - conclusive

A noter : Elle est parfois subdivisée en cadence authentique parfaite et cadence authentique imparfaite

- cadence imparfaite, demi-cadence ou cadence ouverte : Phrase s’achevant par V : tension - suspensive

Terminologie des traités français :

- cadence parfaite : Phrase s’achevant par V>I avec les deux accords en fondamentale : détente - conclusive

- cadence imparfaite : Phrase s’achevant par V>I avec un des deux accords en renversement : détente - conclusive

- demi-cadence : Phrase s’achevant par V : tension - suspensive

A propos de la terminologie des cadences

Le terme "cadence" vient du latin. Il signifie "chute". On peut établir une analogie dans notre langage de tous les jours avec l’intonation de la voix. Elle chute à la fin d’une phrase ou monte pour marquer l’interrogation. Les cadences forment elles aussi une ponctuation musicale, très proche de la ponctuation littéraire.

La musique est rythmée par des phases de tension et de détente. Le rôle des cadences est de les ponctuer. En composition musicale, l’harmonie s’articule principalement autour de deux cadences :

- cadence qui amène le repos et met un point final à la phrase ;

- cadence qui au contraire renouvelle la tension et laisse la phrase en suspens.

Leur rapport dialectique nous a amené à appeler la première cadence parfaite car elle est conclusive et la seconde, ne l’étant pas, cadence imparfaite.

Le fait que l’un des accords soit renversé ou non n’intervient pas dans ce rapport dialectique. Il ne détermine pas le caractère conclusif ou suspensif de la cadence [2]. Seule est essentielle la relation entre les degrés I et V sur lesquels sont construits les accords et que nous pouvons résumer ainsi :

- Cadence parfaite : Phrase s’achevant par V>I : détente- conclusive

- Cadence imparfaite : Phrase s’achevant par V = tension - suspensive

L’analyse des œuvres musicales nous a amené à considérer une seconde cadence parfaite :

- Seconde cadence parfaite : Phrase s’achevant par VII>I : détente - tout aussi conclusive que V>I.

A noter : cette cadence est très utilisée en mineur modal

Les trois autres cadences utilisées en harmonie n’interviennent pas dans ce rapport dialectique :

- Cadence rompue (ou évitée) V>VI permet à juste titre d’éviter la cadence parfaite V I. En effet, les accords I et VI ont une composition proche (2 notes communes sur 3) mais diffèrent sur un point primordial : VI n’est pas conclusif. L’enchaînement donne un agréable effet de "surprise" à cette cadence : on attend une conclusion mais l’on arrive sur l‘accord VI ce qui permet la poursuite du déroulement musical.

- La cadence plagale IV>I peu utilisée en composition en raison de son faible effet cadentiel. Le terme "plagale" (plage) évoque d’ailleurs une faible chute (voire un calme plat ;-).

- La cadence sous plagale III>I (idem)

Rôle de la mélodie dans les cadences

Les cadences sont avant tout d’ordre mélodique et à ce titre reposent sur les degrés du mode.

La mélodie est antérieure en effet à l’harmonie et les cadences y étaient déjà effectives avant que n’apparaisse l’harmonie. Il suffit de se référer aux mélodies traditionnelles ou à celles du chant grégorien. Les structures cadentielles des ces mélodies sont évidentes.

Les premières polyphonies étaient tout à fait structurées d’un point de cadentiel [3]. Avec l’apparition de l’harmonie, les cadences mélodiques se sont adaptées et sont devenues polyphoniques [4] tout en restant établies sur les degrés du mode. C’est sur ces degrés qu’ont été construits les accords générant des enchaînements cadentiels. Il est donc logique que les cadences et la ponctuation qu’elles sous entendent soient tout aussi effectives avec des accords en fondamentale, renversés ou comportant une 7ème.

Ponctuation et cadences en composition.

La ponctuation des grandes parties d’une pièce musicale comme l’exposition ou le développement s’effectue généralement avec la cadence parfaite. Les commentaires et les divertissements [5] sont ponctuées à l‘aide des cadences parfaites (avec l’accord V ou VII) ou imparfaites, voire rompues [6]. Les cadences parfaites et imparfaites ont également un rôle essentiel dans l’élaboration du thème, notamment avec l’articulation antécédent / conséquent analogue dans le domaine littéraire à l’articulation question / réponse.

Notes

[1] Les méthodes pédagogiques ont beaucoup progressé mais cette évolution ne semble pas avoir été effective dans l’enseignement de l’harmonie. Les principaux traités datent du début du XXème mais font pourtant toujours autorité dans les écoles

[2] Le fait que les accords soient à l’état fondamental ou renversés nuance la force de l’enchaînement, mais ne le rend pas plus ou moins conclusif. Il est conclusif ou il ne l’est pas.

[3] Dans des œuvres comme la « Messe de Notre Dame » de Guillaume de Machault, les cadences sont tout à fait conclusives bien que ne correspondant pas aux normes des traités d’harmonie.

[4] En composition musicale, le rôle de l’harmonie consiste essentiellement à structurer le discours musical par des cadences. L’élaboration de la polyphonie reste du domaine du contrepoint.

[5] Phrases musicales plus brèves qui forment ces grandes parties.

[6] les cadences plagale ou sous plagale n’interviennent jamais ici.

    Jean-Luc KUCZYNSKI
    Jean-Luc KUCZYNSKI est compositeur et professeur de composition musicale depuis 1988 aux ACM et depuis 1999 à l’école d’écriture et de composition Polyphonies.
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