Le blog de Polyphonies, école à distance d’écriture musicale et de composition.

Schème musical et composition

"Comment déterminer un schème puisque cela commence toujours sur un levé", lorsqu’une partition commence sur le premier temps tel que le premier mouvement de "une Petite Musique de nuit" de Mozart ou sur sa Sonate N° 1 en Do Majeur ?"

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L’élaboration des mélodies à partir de schèmes est une technique dont l’apogée correspond aux périodes où la polyphonie était florissante. En effet, cette technique d’écriture permet de développer les lignes à partir de nombreuses possibilités d’imitations du schème. Elle convenait donc parfaitement à une écriture polyphonique comme par exemple celle du motet. Les imitations y alternent aux différentes voix et permettent d’identifier clairement le schème et ses évolutions imitatives.

Mozart se situe musicalement après qu’une certaine rupture de style et de langage ait eu lieu. En effet, ses prédécesseurs italiens délaissant l’écriture polyphonique qu’ils jugeaient trop complexe et dépassée, avaient mis en avant une certaine simplicité d’écriture et privilégiaient une mélodie principale qui devenait l’élément essentiel d’une pièce musicale.

Mozart, comme d’ailleurs beaucoup de ses successeurs, est plutôt à la croisée des chemins. Il était à la fois attiré par l’écriture polyphonique, et notamment celle de Bach, écriture dans laquelle d’ailleurs il excellait (symphonies, opéras, Requiem... ). Mais il a également subi l’influence des compositeurs italiens qui en contrepartie lui ont apporté une grande liberté dans son écriture mélodique. Maîtrisant parfaitement les techniques d’imitation des schèmes, il les a totalement intégrées à son écriture même lorsque celle-ci penche vers le style italien.

Imitations du schème

Revenons donc au schème pour répondre plus directement à la question.

La première note au posé d’un schème peut être considérée de trois manières :

• elle n’appartient pas au schème. Elle renforce simplement la note de basse sur l’accord de tonique initial ou le dernier accord d’un phrase musicale, situé généralement sur le premier temps d’une mesure.

• Le schème comprend bien une note au levé mais celle-ci est sous-entendue et n’est pas présente dans l’exposition. C’est le cas lorsque les imitations du schème dans le développement comportent cette note au levé.

• Le schème commence réellement par une note au posé. C’est le cas lorsque les imitations commencent également au posé. On notera que le contre-schème, schème complémentaire du schème initial, commence au posé.

C’est en considérant les imitations du schème au coeur de la pièce que l’on peut définir les schèmes qui composent le thème dans une exposition du thème. En effet, un schème se développe grâce à ces imitations (la seule exception en composition est le récitatif, type de pièce qui nécessite une grande imagination, puisqu’à chaque mot ou syllabe, les schèmes doivent être renouvelés). Il faut donc d’abord rechercher et analyser les imitations d’un schème dans les développements, puis revenir à l’exposition pour pouvoir déterminer avec plus d’exactitude le schème initial.

Une petite musique de nuit

Plutôt que la première sonate pour piano, oeuvre de jeunesse, analysons le premier thème d’« Une petite musique de nuit », oeuvre de pleine maturité composée vers la fin de sa vie.

Voici le thème initial de l’allegro d’ « une petite musique de nuit » qui va nous permettre d’illustrer ces propos :

Le schème générateur de ce thème que j’appellerai a est très bref. Il est formé en effet d’une quarte ascendante seulement. Ce schème ré-sol commence au levé.

Pour construire l’antécédent, première partie du thème, Mozart utilise la même technique que dans la Symphonie en sol mineur, un schème très bref répété trois fois et suivi d’une dernière imitation du schème à une hauteur différente. Dans cet exemple la note sol au posé, tonique du mode, n’appartient pas au schème. Elle permet de placer l’accord de tonique sur le premier temps.

Le conséquent de ce thème est une reprise à la sous-dominante avec notamment une imitation par réduction du schème a - la quarte devient une tierce - et une imitation contraire - la tierce ascendante devient une tierce descendante-.

Dans ce thème, Mozart va regrouper ces schèmes a pour former de nouveaux schèmes comme par exemple le schème b que l’on retrouvera plus loin dans le développement. On comprend l’intérêt de la note au levé du schème. Elle permet de joindre les schèmes :

Le schème c est également basé sur des réductions de a comme le montre l’exemple ci-dessous :

Un schème bref et donc très simple peut générer une multitude de combinaisons et donc de nouveaux schèmes.

Schème commençant au posé

Bien entendu, un schème peut commencer au posé. On en trouve souvent des exemples dans les mouvements lents. C’est le cas avec l’antécédent du thème de la « romance », l’andante d’ « Une petite musique de nuit » :

Toutefois, ce type de schème comme cet antécédent de trois notes, n’a pas comme vocation à être développé par imitations. S’il est imité, ce sera simplement en imitations semblables - imitations du schème à une hauteur différente-. Par contre, il pourra être indéfiniment varié. Seul le schème qui commence au levé a la faculté de pouvoir d’être développé par imitations, la note au levé permettant une jonction réelle avec le schème qui précède et générant ainsi de nouvelles lignes mélodiques.

    Jean-Luc KUCZYNSKI
    Jean-Luc KUCZYNSKI est compositeur et professeur de composition musicale depuis 1988 aux ACM et depuis 1999 à l’école d’écriture et de composition Polyphonies.
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