« Etre bien avec l’instrument, c’est être bien avec les autres et soi-même »
Pierre Marinet, violoniste de "Mango Gadzy" et altiste de "Kordevan", vit dans la région de Grenoble. Il est élève à Polyphonies depuis octobre 2004. Fabrice Rosina a recueilli pour nous les bribes de son aventure musicale... Lire l’article
« Etre bien avec l’instrument, c’est être bien avec les autres et soi-même »
-Quel est votre parcours musical ?
J’ai commencé le violon à l’âge de 10 ans. J’ai tout de suite accroché. C’est un instrument léger. J’ai eu la chance de faire rapidement de l’orchestre dans l’école d’ Alfred Loewenguth à Paris. J’ai fait du classique pendant huit ans. Puis, dans les années 70, je me suis intéressé au folk et aux musiques traditionnelles. J’ai aussi découvert la musique baroque qui m’a beaucoup intéressé. De nombreux musiciens m’ont apporté : Loewenguth et son enthousiasme, Didier Lockwood et Pierre Blanchard pour le jazz, Chiara Banchini en baroque, et des rencontres d’autres instrumentistes bien sûr.
Après Paris, je suis allé à Grenoble. J’ai aussi suivi une école d’harmonie et d’arrangement jazz à Chambéry et j’ai créé un atelier violon à Grenoble dédié à l’improvisation. J’ai fait de l’improvisation libre aussi. C’est comme une conversation. On a quelques règles. S’il y a un leader, on essaie de le soutenir.
J’écoute avec intérêt à peu près tout ce qui passe en radio : du classique au contemporain, et du jazz à la chanson.
-Aujourd’hui quelle est votre activité musicale ?
Je joue surtout dans deux groupes : Mango Gadzi qui propose des compositions aux influences arabo-andalouses, flamenco et tziganes, avec un langage entièrement inventé, Kordévan qui s’inspire de thèmes traditionnels à partir desquels nous improvisons, dans lequel je joue de l’alto. J’anime des stages pour tous instruments sur des thèmes balkaniques. Avec un collectif grenoblois nous préparons des arrangements pour accompagner un chanteur, Gérard Pierron , qui a mis en musique de nombreux textes poétiques.
-Quel est votre rapport à l’instrument ?
Avec l’instrument, j’ai l’impression d’avoir un jeu polymorphe. Je me sers beaucoup du baroque dans ma façon d’être avec l’instrument. Par exemple, je le tiens peu serré. J’aime « sentir » l’instrument, c’est comme une jouissance. Parcourir les phrases des autres, si différentes mais aussi si proches, quelle que soit l’époque. Les acrobaties me stimulent, je les aborde au ralenti. Le livre de Dominique Hoppenot « Le violon dans l’âme » m’a beaucoup influencé. J’essaie d’utiliser mon corps en entier. Ma respiration. Mon énergie part du centre de mon corps, le hara, l’abdomen. J’utilise les équilibres, le poids des différents segments, jusqu’aux phalanges, la force de gravité. Pas d’efforts inutiles, et pas d’énergie gaspillée.
Sur scène, je recherche la détente, quitte à faire le ’"clown"...
L’instrument, je le compare à un insecte car son squelette est à l’extérieur. On voit le geste musical ( tirer l’archet...), et chaque mouvement, si infime soit-il est une recherche d’équilibre parfait, celui où le corps entier est en « phase ». C’est comme dans l’escalade : le moindre effort est le meilleur. Le centre de ma démarche : être bien avec l’instrument. C’est un abord corporel, sensitif. Si je suis bien avec l’instrument, je suis bien avec les autres et avec moi-même. J’enseigne cette approche à mes élèves et elle les touche.
-Comment avez-vous rencontré Polyphonies ?
J’essayais d’écrire des mélodies. Pas facile. J’ai eu envie de mieux comprendre Bach et j’ai tapé « polyphonie » sur un moteur de recherche. Le site est apparu. J’ai lu et je me suis inscrit.
-Avez-vous l’impression que cet enseignement vous influence aujourd’hui ?
Je ne sais pas. Voilà que je me mets à écouter les mélodies, tonales ou non, avec une oreille différente. J’ai même revisité certaines de mes compositions intuitives précédentes. Il y a des idées. Je les développerai. Mes idées musicales sont souvent courtes. Je ne veux pas devenir compositeur mais mieux comprendre la musique.
-Comment travaillez-vous ?
J’aborde le niveau III. Je fais travailler mes neurones et ma mémoire. Régulièrement je fais les exercices. Je suis étonné que chaque note trouve sa place. Elle a sa raison d’être là. Mais je ne veux pas être esclave de la technique. J’intègre peu à peu la technique, scolairement. Je m’imprègne. Je vais parfois jusqu’à écrire le cours, le commentaire sur le CD rom. Je l’ai dans la tête. Je fais attention à chaque remarque. Je ne laisse rien passer. Parfois, je me pose des questions et j’aimerais avoir les réponses tout de suite.
-Sur le plan musical, être à Grenoble, c’est important ?
Oui. C’est une ville universitaire. Il y a beaucoup de groupes de Jazz. Il y a des festivals, notamment de musique contemporaine. J’ai animé un atelier de Jazz ici. J’ai aussi travaillé en proximité avec des musiciens de Lyon. Je pense à ARFI avec Louis Sclavis. Grenoble, c’est près des montagnes. Ça m’influence. Je peux m’évader parfois et lâcher le violon.
-Vos projets ? Faire des tournées. Et aussi, Gérard Pierron , un chanteur, a recueilli d’anciens textes et il a demandé à deux groupes grenoblois de les mettre en musique. C’est le projet « DKP » (Djal, -du jour au lendemain-, Kordévan, et Pierron.)