"Lorsque nous avions abordé les accords secondaires en majeur à l’état fondamental, vous nous aviez indiqué qu’il ne fallait pas utiliser les enchainements VI-I et II-I, qui sont de fausses cadences (avec en plus une tierce montante pour le VI-I). A-t-on de telles contraintes avec les accords en premier renversement ? Très exactement, peut-on employer l’enchaînement VIa-I, qui ne génère pas de tierce montante (les basses étant à l’unisson) ? Lire la réponse
Un petit préambule, tout d’abord.
Les cadences forment une ponctuation musicale reposant essentiellement sur les degrés du mode. L’adaptation des cadences avec des enchaînements d’accords s’est faite dans un second temps. En effet, toutes les musiques traditionnelles ou savantes antérieures à la polyphonie sont déjà ponctuées musicalement par des cadences mélodiques, et cela bien avant l’harmonie et ses enchaînements d’accords cadentiels.
L’exemple des modes du plain-chant (ou chant grégorien) est éloquent. La mélodies s’y articule grâce à un système cadentiel mélodique très complexe et différent selon le mode dans lequel évolue le chant. En analysant les musiques traditionnelles indiennes par exemple, des chants africains ou bretons, nous constaterions à l’écoute que les cadences articulent également ces mélodies et l’on peut y percevoir une ponctuation, intimement liée à l’expression musicale. La raison d’être de la cadence, rappelons-le, est de générer la ponctuation musicale.
Pour bien saisir que la cadence existe sans qu’il y ait nécessairement un enchaînement d’accords, chantez la chanson « Frère Jacques » et écoutez la cadence parfaite sur les deux dernières syllabes de « ding, ding, dong ». Cette cadence parfaite est bien présente et nul besoin de l’enrichir d’accords pour la percevoir.
Tout cela pour en arriver à cette conclusion : Les cadences reposent sur les degrés du mode et non sur les accords.
En conséquence, ce qui répond à votre question, les fausses cadences existent quelque soient la position ou le renversement de l’accord. VIa-I est en effet une fausse cadence. Par contre, la « règle » de la tierce montante ne concerne que deux accords à l’état fondamental.
Les cadences parfaites avec l’accord VII sont effectives quelles que soient la position ou le renversement de l’accord. Ceci vaut effectivement aussi pour la cadence sous plagale.
Terminologie des cadences dans notre pédagogie
Le principe de l’antériorité des cadences mélodiques aux cadences polyphoniques [1] a amené Jean Robert a concevoir une terminologie différente pour les cadences en harmonie.
En effet, le caractère fondamental de la cadence, harmonique ou mélodique, à savoir qu’elle génère une ponctuation dans la musique est essentiel dans notre pédagogie de l’harmonie. Comme nous l’avons vu, cette ponctuation dépend des degrés du mode puisqu’elle est effective au sein d’une monodie [2]. En harmonie, la ponctuation s’articule donc, elle aussi, sur les degrés du mode et cela sans que l’état ou le renversement des accords n’interviennent.
La cadence parfaite est un enchaînement du degré V vers le degré I du mode quelque soient l’état, la position ou le renversement des accords élaborés sur ces degrés.
Les traités de solfège académiques n’ont pas le même point de vue car ils établissent une distinction qui tient compte du renversement des accords pour les cadences. Ainsi, ils considèrent par exemple qu’une cadence Va-I [3] n’est pas identique d’un point de vue cadentiel à la cadence V-I avec les deux accords à l’état fondamental. Il est vrai que la première cadence est plus douce et la seconde plus franche, plus forte. Mais la perception de la ponctuation, en l’occurrence conclusive ici, est entièrement effective dans les deux cas. Lors d’une cadence, on peut privilégier tel renversement ou telle position dans un but expressif (enchaînement plus doux, plus franc..) mais il faut savoir que cela ne modifie pas la nature de la ponctuation elle-même.
En conclusion, deux principes essentiels sont à retenir en harmonie cadentielle :
Le rôle de la cadence est de ponctuer le discours musical.
Cette ponctuation s’articule sur les degrés du mode quelque soient l’état la position ou le renversement des accords.
[1] et donc en harmonie
[2] mélodie seule
[3] V en premier renversement et I à l’état fondamental, enchaînement que ces traités considèrent comme une cadence imparfaite