Ce qui importe avant tout dans le choix du mode de protection des œuvres c’est de bien réfléchir au préalable à l’usage auquel vous les destinez...
En effet, plusieurs solutions existent, mais ne répondent pas toutes à la même finalité. Être en mesure de prouver l’antériorité de votre œuvre, sa paternité ? Percevoir des droits suite à une diffusion de votre composition ? Quel budget y consacrer ? Lire l’article
Le pli recommandé
Pour être en mesure de prouver l’antériorité de vos compositions, vous pouvez vous adresser à vous même vos œuvres (textes et/ou partitions), par pli recommandé et scellé par le feuillet avec accusé de réception (et non sous envoi simple). Transférez vos créations musicales sur un support de stockage : cassette, DAT, MD ou CD-R. Joignez les premières notes de chaque chanson pour plus de sécurité, voir les partitions complètes ou des fichiers MIDI, et les paroles s’il y en a. L’oblitération apposée par la poste constitue un commencement de preuve d’antériorité de l’œuvre en cas de problème. Il est évidemment nécessaire de ne pas ouvrir ce pli lors de sa réception. En cas de contestation de paternité (c’est-à-dire dans la plupart des cas, d’antériorité de preuve) on fera ouvrir l’enveloppe restée inviolée devant huissier. La date de la poste faisant foi, sauf à prouver une complicité avec un agent des postes, cette preuve acquiert date quasi-certaine. Une des solutions les moins coûteuses, et pour autant très efficace !
Plus d’infos sur le site de La Poste : La lettre recommandée
Dépôt par enveloppe SOLEAU auprès de l’INPI
L’Enveloppe Soleau (du nom de son inventeur), delivrée par l’Institut de la Propriété Intellectuelle, présente un grand intérêt pour les auteurs, créateurs et inventeurs dans la mesure où elle permet de se préconstituer la preuve de leur création ou invention et de leur donner date certaine.
Pendant la période où elle est conservée à l’Institut national de la propriété industrielle , le détenteur d’une enveloppe SOLEAU peut à tout moment demander que le volet archivé lui soit restitué à ses frais. En cas de contestation judiciaire, cette restitution peut également être demandée par le président du tribunal saisi. La comparaison du contenu des deux volets authentifie le document. Même après la période de gardiennage, le volet resté en la possession du déposant garde une valeur probante.
Cette solution, similaire à la lettre recommandée avec AR, dans son principe, semble avoir plus de valeur juridique (reconnu par les tribunaux). Inconvénient : il n’est pas possible d’y mettre des objets durs (pas de CD donc).
Le dépôt auprès d’un officier ministériel (huissier, notaire)
Vous pouvez également déposer vos partitions, textes, CD etc... chez un notaire qui enregistrera votre dépôt (acte authentique revêtu du sceau de l’Etat en vertu duquel la signature de l’acte par le notaire fait foi de son contenu et de sa date) et pourra, en cas de litiges, certifier d’une date de création.
Le coût : renseignez-vous auprès des notaires, mais certainement la plus chère des solutions.
Plus d’infos sur le site des notaires de France : Chambre des notaires
Un dépôt auprès d’une société d’auteur est possible. Attention cependant ; une société d’auteurs n’est pas investie d’un pouvoir d’apporter "preuve certaine" au même titre qu’un officier ministériel (huissier ou notaire). C’est en fait un service que rendent les sociétés d’auteurs à leurs membres (ou non membres). Mais sur un plan juridique il s’agit d’une preuve simple, tout aussi contestable en cas de litige devant un juge que toute autre. Elle n’a aucune force supérieure. L’intérêt de ces dépôts, réside en ce que l’on peut déposer des documents parfois volumineux. En cas de dépôt d’oeuvres de collaboration, il convient de bien mentionner tous les auteurs, et de préciser que le manuscrit ne pourra être retiré que par une démarche conjointe des coauteurs, ceci afin d’éviter que l’un des coauteurs ne retire seul le dépôt et supprime ainsi la preuve de la collaboration.
Le SNAC (Syndicat National des Auteurs Compositeurs)
Les auteurs peuvent déposer simplement une ou plusieurs compositions afin de « faire la preuve qu’ils sont bien les créateurs de cette œuvre à une date déterminée ». Pour une somme modique, on peut y déposer une enveloppe comprenant 1 à 4 chansons (paroles et musiques) ou 1 à 4 compositions musicales ou arrangements de compositions musicales. Ce système est très souple et efficace il permet de protéger les œuvres de façon durable (les dépôts sont conservés 5 ans), sans autre contrainte. Il est compatible avec le « Copyleft » et avec l’ensemble des licences « Creative Commons ». Il n’a pas la possibilité de rétribuer les auteurs-compositeurs (Seul la SACEM a cette attribution en France)
La SCAM VELASQUEZ (Société Civile des Auteurs Multimedia). Exactement comme pour les précédentes solutions, l’association met donc à disposition des auteurs un service de dépôt de documents et de manuscrits. Ce dépôt permettra, en cas de contestation, de soumettre à l’appréciation des juges un commencement de preuve attestant de l’antériorité du document et de l’identité de son auteur. Mais attention, là encore seuls les tribunaux peuvent décider de l’originalité des oeuvres et donc de leur protection par le droit d’auteur. L’Association "Scam Vélasquez" n’est pas habilitée à en juger, elle n’est que le dépositaire du document et n’en prend pas connaissance.
La SACEM (Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de Musique)
Elle propose le dépôt des œuvres, mais également des services permettant la perception et la répartition des droits. La SACEM peut être d’un intérêt certain pour des auteurs qui utilisent les réseaux de diffusion classiques et bénéficient et d’une audience relativement importante.
Jusqu’à récemment les auteurs sociétaires de la SACEM qui souhaitaient proposer l’écoute de leurs compositions sur leur propre site devaient reverser des droits à la SACEM. Ils bénéficient à présent de cette offre : « La Sacem vous propose une autorisation gratuite de diffusion de vos œuvres sur vos sites Internet personnels »...à condition de ne pas mettre vos morceaux en vente sur le site, ni d’héberger de publicité (cf. conditions préalables). De plus, à partir du moment où l’on devient sociétaire, on s’engage à déposer l’intégralité des ses compositions à la SACEM. Chaque dépôt ayant un coût relativement élevé, cette solution est donc plutôt adaptée pour des auteurs et compositeurs en phase de professionnalisation. Son intérêt majeur réside dans la perception et la répartition des droits pour la rétribution de l’auteur.
Une déclaration préalable doit être faite auprès de la SDRM (Société de droit de reproduction mécanique regroupant les sociétés Sacd, Sacem, Scam, Sgdl et Aeedrm) qui se charge de la perception des droits, avant de pouvoir éditer vos CD ou vinyles.
Mais d’autre forme de protection existent en dehors des sociétés d’auteurs, notamment les licences :
Copyleft
Le « Copyleft » est un détournement du copyright (le copyright est l’équivalent du « droit d’auteur » dans les pays anglo-saxons), permettant l’utilisation, la modification et la diffusion de l’œuvre par des tiers de façon claire et juridiquement transparente, à condition que ceux-ci acceptent de les partager, à leur tour selon des conditions identiques. Le « Copyleft » existe dans divers domaines (exemple : GNU/GPL pour certains logiciels libres) et ses applications au domaine musical résident essentiellement dans les licences « Art libre » et certaines licences « Creative Commons ».
La licence « Art libre » est une License « Copyleft » soumise au droit français mais applicable dans de nombreux pays (les 159 pays ayant signé la convention de Berne). Elle a été conçue dans le but de fournir aux œuvres artistiques une licence similaire à celles utilisées pour de nombreux logiciels libres. Elle peut être une solution claire et simple pour des œuvres musicales ouvertes au partage et préserve le statut de l’auteur original, à l’inverse du « versement dans le domaine public ». Elle n’est pas compatible avec la perception et la répartition des droits d’auteurs (Ce n’est d’ailleurs pas le but recherché !).
« Creative Commons » est un ensemble de licences permettant de stipuler « en amont » et de façon assez précise quelles utilisations d’une œuvre sont permises à des tiers par son auteur et sous quelles conditions. Si votre intérêt est, par exemple, de mettre en ligne vos partitions ou instrumentaux (à condition que les « samples » soient votre propriété ou soient eux-mêmes sous licence « Art libre » ou « Creative Commons » !) afin que des chanteurs proposent chacun diverses interprétations de vos compositions, puis les distribuent à leur tour sur leur site...ce type de licence est tout à fait indiquée ! Les licences « Créative Commons » indiquent directement et de façon transparente ce qui est permis ou pas par l’auteur, en économisant ainsi la plupart des contraignantes démarches de demande d’autorisation, qui, autrement, seraient nécessaires. Plusieurs options sont proposées. Chacune est liée à un « logo » permettant ainsi d’élaborer des licences appropriées de façon « modulaire » :
(By) Le nom de l’auteur doit être clairement cité
(NonCommercial) L’utilisation commerciale n’est pas autorisée à priori. Elle devra, le cas échéant, faire l’objet d’une demande d’autorisation spécifique
(NoDerivs) les œuvres dérivées ne sont pas permises à priori. Elles devront, le cas échéant, faire l’objet de demandes d’autorisation spécifiques
(ShareAlike) Oblige à effectuer l’éventuelle diffusion des œuvres dérivées selon les mêmes conditions « Creative Commons » que l’œuvre originale.
Selon les options choisies la licence peut être ou non considérée comme un « Copyleft ». Ainsi « Non Commercial » et « NoDeriv » font sortir l’œuvre du cadre du « Copyleft » en ajoutant des restrictions supplémentaires.
Attention ! : En France, si certaines de vos œuvres sont déposées dans un organisme de gestion collective tel que la SACEM vous ne pouvez bénéficier ni de la licence « Creative Commons » ni, à fortiori, de la licence « Art libre », pour aucune de vos œuvres. La SACEM n’a pas souhaité changer ses statuts pour permettre cette « compatibilité », même pour une partie du répertoire ou des usages spécifiques (ce qui n’est pas le cas aux états unis, dans un cadre juridique différent). Le choix est donc décisif. En revanche le problème ne se pose pas avec une protection effectuée dans le cadre du SNAC. Vous pouvez également déposer vos compositions actuelles sous licence « libre » et opter pour un organisme de répartition des droits à l’occasion de votre prochain album ;-) Plus de détails sur cette question épineuse ici