Le soir du 7 novembre dernier, au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, nous avons assisté à la première bruxelloise de ce concerto, virtuose et enivrant... qui a comblé notre satisfaction d’enseignant ! Philippe Lepoint, confrère de Mona à Polyphonies, mais aussi lillois voyageur et musicien passionné, nous a réjoui de sa présence amicale.
Retour sur ce moment musical important ; gros plan sur l’œuvre, les interprètes, et bien-sûr la compositrice, Mona A. Adhab. Lire l’article
PRÉSENTATION DE L’ŒUVRE
LA COMPOSITRICE
LES INTERPRÈTES
VIDEOS SUR YOUTUBE
QUELQUES OPINIONS
LE MOT DE LA FIN
Nous tenons à remercier encore ici Mona et Irène [1] pour leur accueil chaleureux, gourmand et cosmopolite dans la capitale de l’Europe, et la gratification que fut cet évènement pour l’école !
Concerto en 3 mouvements pour piano et orchestre
Dès le début du concerto, nous sommes plongés dans cette atmosphère qui signe la musique de Mona et qui sera celle de toute la pièce. Ardant, poignant, ce caractère donne son unité au concerto. On ressent tout de suite le rôle essentiel du piano, omniprésent dans la pièce. Même lorsqu’il n’est pas soliste, sa partie soutient l’orchestre et dialogue presqu’en continu avec lui. Le second extrait de ce mouvement, offre un dialogue tendre et passionné entre le piano et l’orchestre.
Hubert Couteau [2] commente ce premier mouvement : "Le concerto commence par quelques accords comme un hommage à Rachmaninov. La compositrice fait immédiatement aveu de la période à laquelle elle souhaite être associée, à savoir le Romantisme. [...] Après le martèlement staccato des premières notes dans le registre grave du piano, ce qui montre également la sonorité de ce merveilleux instrument dans ce registre, nous atteignons néanmoins trop vite un point culminant. Il ne peut s’en suivre qu’un moment de recueillement, et tel est également le cas. Une nouvelle idée est proposée par le piano, où en particulier l’écriture en octave pour la main droite s’avérera être un idiome de style, à côté du staccato régulier des notes basses. A nouveau un sommet est atteint, et cette formule se répète à plusieurs reprises. Eliane s’est acquittée à merveille des passages intermédiaires difficiles où la virtuosité alternait avec de plus longues tentatives de phrasé plus romantique."
La musique devient plus intimiste et même douloureuse.
"L’adagio tout en longueur commence par une magnifique trouvaille liée au choix de la mesure. Long-court-court-long, avec l’accent sur le premier et le quatrième temps, tel est mon souvenir et sans conviction je crois pouvoir y reconnaître une mesure 4/4 [3]. Par la suite, un phrasé romantique est à nouveau recherché. [...]. J’oserais plutôt parler d’éléments de style cinématographique. Et par ailleurs : cette jeune compositrice est une enfant du 20ième siècle. Le siècle du film en tant que nouvelle muse."
Le contraste de l’adagio avec le déferlement du mouvement final est saisissant.
"Ce mouvement m’a plu le plus, et surtout à partir de la deuxième idée. Ici tout est juste et la compositrice fait montre de son métier. Un thème est mis en avant et développé. Le développement est dès lors composé en profondeur, à l’inverse des idées précédentes trop rapidement abandonnées. Il y a maintenant un dialogue entre l’orchestre et le piano. Il faut dire que le langage corporel du chef d’orchestre, de la soliste et de l’orchestre a eu pour effet que ce passage a été le passage préféré par tout le monde. Eliane a été servie par un chef d’orchestre très vif, qui était à la base du dialogue. Un orchestre aussi qui réfléchit et réagit de manière très appropriée à toutes les indications de la partition".
"Renaître" de ses cendres...
Ce concerto est une œuvre inspirée du mythe du Phénix, l’oiseau de feu qui renaît de ses cendres.
Mona s’en explique :
"Lorsqu’en un instant toutes les certitudes d’une vie s’effacent, l’esprit s’affranchit de ses vérités et se déchaîne à la poursuite de sentiers nouveaux. La solitude apprivoisée, le hasard prend sens et devient Maître. Nous comprenons que nos erreurs restent nos plus belles leçons.
Nous avançons ainsi dans le jeu de la vie, comme dans un labyrinthe inconnu, sans chercher à comprendre où nos pas nous mènent. Nous sommes tout, nous ne sommes rien, nous créons tout, nous ne créons rien, alors on court derrière nos ombres, on plonge dans notre folie sacrée, et on se laisse enfin initier par les expériences, dans l’espoir que notre Essence nous soit dévoilée.
L’instant vibre alors au diapason d’une éternité ; une éternité à laquelle on meurt, sachant que de ses cendres, à chaque instant l’homme renaît". - retour sommaire
Mona A.AHDAB, compositrice franco-libanaise, se situe dans la mouvance d’une écriture contemporaine "classique".
Pianiste, elle commence cet instrument à l’âge de 3 ans. Rapidement, elle développe une véritable passion pour le piano et se perfectionne au Conservatoire de Neuilly et au Conservatoire Rachmaninov à Paris. Elle entreprend ses études de composition musicale à Polyphonies, et à Berklee pour l’orchestration.
En Amérique, elle participe à plusieurs albums d’artistes canadiens, notamment d’Eve, de Manny, et enregistre plusieurs compositions musicales à Las Vegas, avec la collaboration d’Yves Frulla, musicien de Céline Dion. Son éditeur Monecito Rat Ent. - Hollywood, lui commande plusieurs compositions pour des émissions sur MTV et pour des films.
De retour en Europe, elle se consacre entièrement à l’écriture classique, sa vraie passion, et approfondit sa formation à Polyphonies, avec Jean-Luc Kuczynski. - retour sommaire
Pour interpréter « Renaître », c’est tout naturellement vers une sensibilité féminine que Mona A. Ahdab s’est tournée. Elle a choisi Eliane Rodrigues, pianiste brésilienne de renommée internationale et Lauréate du Concours Elisabeth de piano, qu’accompagne le Maestro Walter Proost, chef d’orchestre belge familier des grandes scènes internationales, et l’ « Orkest der Lage Landen ».
ELIANE RODRIGUES est née à Rio de Janeiro. Elle décroche aux USA le "prix spécial" du jury au concours Van Cliburn. Comme Lauréate du concours Reine Elisabeth de Belgique, elle apparait très vite au Concertgebow d’Amsterdam, au Berliner Schauspielhaus, à Paris, Hamburg et le Gewandhaus de Leipzig. Après les happenings "enfant prodige" et "compétitions", elle est actuellement invitée dans plus de 25 pays.
WALTER PROOST est né à Beveren-Waas (Belgique) et entame ses études musicales au Conservatoire Royal Flamand d’Anvers.Il étudie pendant deux ans la direction d’orchestre chez Jan Stulen, premier chef d’orchestre du “Nederlands Radio- en Televisieorkest” de la NOS à Hilversum. En 1978 et 1979 il complète ses études aux États-Unisb avec Leonard Bernstein, et au Japon.
Il doit l’apogée de sa carrière internationale de chef d’orchestre sans doute à son succès avec le Royal Philharmonic Orchestra à Londres en mars 1999. Cet orchestre prestigieux le nommait aussitôt chef d’orchestre invité stable pour les saisons à venir, et aboutit à plusieurs enregistrements de CD. Depuis 2006, il occupe le poste de directeur artistique et chef principal de l’orchestre Orkest der Lage Landen. Il a collaboré avec des solistes célèbres comme Aldo Ciccoloni, Gil Shaham, José van Dam, Barbara Hendricks, Barry Douglas, Pierre Amoyal, Augustin Dumay et bien d’autres...
L’ORKEST DER LAGE LANDEN rassemble des musiciens professionnels confirmés ainsi que de jeunes talents et organise chaque saison plusieurs productions dans les meilleurs salles de concert, en Belgique comme au Pays-bas. Son répertoire de prédilection comprend les œuvres du 18ème au 20ème siècle. Le jeune palmarès de l’orchestre comprend des collaborations avec de solistes mondialement réputés comme Boris Belkin, Yossif Ivanov, Eliane Rodrigues, tout en developpant une programmation de jeunes talents comme la violoniste Svena Van Driessche et la pianiste Fleur Claessen.- retour sommaire
MOUVEMENT I
MOUVEMENT II
MOUVEMENT III
JEAN-LUC KUCZYNSKI : "La puissance d’expression de la musique de Mona a permis à ces remarquables musiciens de montrer tout leur art. La musique du concerto, nous parle en effet, et nous dit quelque chose de fort. Une réelle présence transparaît à travers la richesse de son écriture mélodique. C’est aussi cela qu’ont su déceler et transmettre avec intelligence les interprètes. Et c’est également ce qu’a du vivre le public lors du concert de Bruxelles et qu’il a exprimé par son accueil enthousiaste.
La partition de piano, difficile et exigeante a été admirablement servie par Eliane Rodrigues avec une grande virtuosité et par la finesse de son jeu dans les passages plus délicats, plus lyriques voire passionnés où devaient toujours chanter les lignes. La direction précise et fine de W. Proost restituait avec justesse cette présence, (ce qui dans le cadre de la création d’une œuvre n’est jamais donné d’avance).
Mais ce concerto est aussi une réussite par sa composition bien équilibrée et la limpidité de son écriture polyphonique qui transparaît dans l’orchestration du concerto. Son expression est justement mesurée de la première à la dernière note, preuve déjà d’un grand métier".
PHILIPPE LEPOINT : "Le 7 novembre 2011, j’y étais ! Première mondiale du Concerto pour piano de Mona A.Ahdab, magistralement interprété par Eliane Rodriguez et l’Orkest der Lage Landen.
Mona nous a présenté son chef d’œuvre qui la fait entrer dans le monde des authentiques compositeurs. Bien des musiciens cherchent à créer un nouveau langage, sans avoir grand-chose à dire ; Mona, au contraire, se laisse inspirer par les auteurs qu’elle aime, pour créer un monde de sentiments et d’émotions qui lui sont propres, mais qu’elle nous invite généreusement à visiter, par la magie d’une musique à laquelle aucun cœur ne peut être insensible. Ni raisonnement, ni philosophie aussi intelligente soit-elle, ne peuvent nous réconcilier avec nos désespoirs ou nos joies, toujours insuffisantes, aussi heureusement qu’une telle musique.
Bravo et merci, Mona, pour cette belle soirée inspirée par l’amitié et la beauté. "
WALTER PROOST : « C’est un soulagement de connaître une compositrice qui écrit la musique à la manière des maîtres anciens. Son admiration pour des compositeurs tels que Rachmaninov, Brahms et Mahler est clairement reconnaissable dans son style. Il est certain que l’audience réagira positivement à cette façon ancienne de composer, si souvent oubliée. ( … ) une preuve que composer n’est pas seulement une affaire d’hommes. »
Et puis voici quelques échos du public :
"...j’ai vraiment ADORE son œuvre et cela me ferait très plaisir de pouvoir la ré-écouter... "
"Le concert hier soir à BOZAR a été merveilleux et la standing ovation très méritée. Le "concerto inédit" nous a beaucoup plu et je lui souhaite un long succès bien mérité."
"Que d’émotions intenses hier soir dans ce Palais des Arts... La musique si mélodieuse, si puissante, si délicate , transcendait... Je ne suis pas prête d’oublier ! Un grand "Merci" pour ce merveilleux cadeau. J’ai encore la mélodie dans la tête qui m’accompagne..."
"Merci, merci, mille fois merci pour cette magnifique soirée, elle était vraiment très réussie... Quant à l’auteur ... que dire... rien, car tout serait en-dessous de ma pensée et de la réalité. Ce concerto est le digne héritier de Rachmaninov, Beethoven et parfois Brahms."
"Un immense bravo pour cette première audition de votre concerto pour piano ... J’ai particulièrement aimé le premier mouvement du concerto... J’ai retrouvé cette patte qui est la votre dans l’exploitation des lignes de violon et dans l’utilisation du piano comme instrument à la fois accompagnateur et guide." - retour sommaire
Pour tous ceux qui n’ont pu assister à cette première émouvante, ne vous désespérez pas, chers élèves : nous aurons encore l’occasion d’entendre cette œuvre au Concertgebouw d’Amsterdam, le 28 novembre 2011 (Tickets-réservations). D’autres concerts sont planifiés à Paris, Londres, au Liban, en Suisse et au Canada !
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[1] responsable production MIR Music Group
[2] Ancien directeur de programmation de la Salle Reine Elisabeth d’Anvers, Belgique, qui travaille aujourd’hui comme critique indépendant.
[3] "Il est toujours difficile et dangereux de décrire une œuvre musicale d’une certaine ampleur après l’avoir entendue une seule fois. Pourtant je m’y risque avec la pleine conviction que je le fais toujours avec honnêteté et sincérité. Voici donc l’expression la plus personnelle d’une émotion elle aussi on ne peut plus personnelle". Hubert Couteau