Evolution du langage musical
Question : Rien de me choque dans les suites d’accords "en tierce montante" ni dans les suites II-I et VI-I. Cela signifie-t-il que mon oreille n’est pas assez formée à la musique classique ?
Lire la réponse
Question : Rien de me choque dans les suites d’accords "en tierce montante" ni dans les suites II-I et VI-I. cela signifie-t-il que mon oreille n’est pas assez formée à la musique classique ?
Ces enchaînements et plus géneralement l’ensemble des principes ou codes musicaux que nous étudions font partie d’un langage que l’on peut dater puisqu’il est contemporain de Bach. Pour nous, l’intérêt de son apprentissage est clair puisque nous l’utiliserons dans nos premières compositions. Bach sera en effet le compositeur qui ouvrira notre premier cycle de composition.
La raison pour laquelle Bach et ses contemporains n’utilisaient pas les fausses cadences est simple : leur effet cadentiel est trop faible et elles ne peuvent donc avoir aucun rôle de ce type dans une pièce musicale. De plus, s’achevant par un accord de tonique, elles ne peuvent pas non plus être considérées comme des enchaînements ordinaires. De fait, elles ne présentent aucun intérêt dans un langage entièrement basé sur les cadences.
Nous découvrirons en étudiant les œuvres des compositeurs postérieurs à Bach que le langage musical est en constante évolution, ce que vous intégrerez peu à peu dans l’écriture de vos propres travaux. Des enchaînements comme les fausses cadences ou les tierces montantes seront utilisées par les compositeurs modernes mais à ma connaissance, on n’en trouve pas trace dans la musique baroque ou classique.
Dans le même ordre d’idées, on remarquera que Bach ne faisait jamais de parallélismes de quintes alors que pour Debussy ou Ravel, ils faisaient partie du langage musical. Ces mêmes parallélismes de quintes, d’octaves ou de quartes étaient à la base du langage musical du XIVème siècle, alors qu’à cette époque l’intervalle de tierce n’était pas consonant.
En ce début du XXIème siècle, nos habitudes d’écoute sont bien différentes de celles que pouvaient avoir les contemporains de Bach. Nous entendons, ou pouvons entendre, régulièrement toutes sortes de musiques : anciennes, actuelles ou provenant de toutes les cultures du monde. On ne peut donc pas pas percevoir ce langage comme le pouvaient les contemporains de Bach [1]. Pourtant, son apprentissage nous est nécessaire car, d’un point de vue pédagogique, on ne peut se passer de la richesse des oeuvres de Bach [2]. Il faut donc patienter un peu pour être plus en phase avec le langage musical étudié et attendre d’aborder les musiciens du début du XXème siècle. La musique de compositeurs comme Stravinsky ou Bartok ne nous choque plus comme elle a pu le faire pour leurs contemporains. En souhaitant, pour conclure, que votre "oreille" ne soit pas non plus choquée par le langage de nos compositeurs contemporains :-) .
Notes
[1] On peut se poser la question de l’intérêt des interprétations sur des instruments anciens de la musique baroque ou classique alors que notre perception de la musique, elle, ne peut effectuer ce retour en arrière.
[2] Ni d’un point de vue purement musical et spirituel non plus, d’ailleurs :-)
article publié le mardi 1er novembre 2005 et lu 9139 fois.
Jean-Luc KUCZYNSKI est compositeur et professeur de composition musicale depuis 1988 aux ACM et depuis 1999 à l’école d’écriture et de composition Polyphonies.
Vous avez aimé cet article ? Alors partagez-le avec vos amis !
Articles les plus lus de Jean-Luc KUCZYNSKI
Chiffrages et notation des accords (I). Les chiffrages américains
Toute musique basée sur la tonalité et les modes, qu’elle soit classique, jazz, chanson ou autre dispose des même sept accords. Leur structure est relativement simple et strictement identique dans toutes les musiques. Toutefois, leurs chiffrages ou leurs notations différent et peuvent sembler parfois d’un abord complexe. Dans cette petite mise point, nous nous intéresserons d’abord aux chiffrages américains, utilisés en jazz et en musique de variété puis au prochain article, au chiffrage classique de la basse continue.
Article
Dans Comme par exemple • le 20 mars 2013 • 206103 lectures
Enseignement de l’harmonie : marche harmonique, sixte napolitaine, accords altérés et accords de neuvième.
Lors de mes études d’harmonie en France et en Allemagne, il a été fait mention de sujets que vous ne semblez pas aborder en harmonie. Je veux parler entre autres des marches harmoniques, des sixtes altérées comme la sixte napolitaine ou bien des accords de 9èmes. Tous ces éléments étaient considérés comme importants - ou du moins inhérents à l’étude de l’harmonie, allons nous les étudier durant notre formation ?
Lire la réponse
Article
Dans Bonne question ! • le 9 juin 2006 • 30643 lectures
Introduction à l’analyse : la forme musicale (III)
Avec ce troisième article, nous pénétrons enfin pleinement dans l’analyse musicale. L’harmonie que nous avons abordé dans les deux articles précédents en fait partie mais n’est qu’un élément de cette recherche. Nous allons donc aborder maintenant l’étude de la forme musicale, à savoir comment ce thème de dix huit mesures, extrait du premier mouvement de la sonate K331 pour piano de Mozart, a été élaboré.
Article
Dans Comme par exemple • le 15 octobre 2015 • 62784 lectures
Tonalité, modes et atonalité
En réalisant nos premiers exercices sur le mode, certains élèves font parfois un raccourci erroné. A partir de l’armature de l’exercice, ils déduisent simultanément le mode et la tonalité affirmant par exemple qu’un exercice dont l’armature comporte un # à la clé, est en sol majeur. Or, l’armature indique la tonalité et non le mode. D’autres éléments musicaux sont nécessaires en effet pour le définir. Avec la seule armature comme indication, un # à la clé par exemple, nous pouvons simplement affirmer que nous sommes en tonalité de sol mais surtout pas que la tonalité est sol majeur. Un petit point sur ces deux notions, mode et tonalité, sera à mon avis source d’éclaircissement. Ce sera aussi l’occasion pour nous d’aborder la notion d’atonalité. Lire la réponse
Article
Dans Bonne question ! • le 4 mars 2008 • 29628 lectures
Chiffrages et notation des accords (II). Basse continue et basse chiffrée
Après avoir abordé les chiffrages américains, nous abordons un autre système de notation des accords également destiné aux instrumentistes : la basse continue qui est devenue la basse chiffrée. Il est intéressant de comprendre son principe car cette technique d’écriture a généré le chiffrage qui a cours dans les traités d’harmonie classique.
Article
Dans Comme par exemple • le 7 août 2013 • 73838 lectures