Pour enrichir notre Petit Lexique de l’étudiant en composition, la fiche de ce mois-ci concerne l’oeuvre emblématique de Brahms "Ein deutsches Requiem". Vous trouverez dans cette fiche les principaux éléments à connaître pour aborder cette oeuvre.
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Biographie : (Hambourg, le 7 mai 1833 - † Vienne 3 avril 1897)
Johannes Brahms est né dans les bas-fonds de Hambourg, en Allemagne, le 7 mai 1833. Son père, Johann Jakob, était un musicien, d’abord médiocre et itinérant pour la plus grande partie de sa carrière mais qui finit par obtenir un poste de contrebassiste à l’Opéra de Hambourg. Voyant que Johannes était intéressé par la musique, son père lui fit donner des leçons de piano et rapidement son fils fit d’admirables progrès. À l’âge de 14 ans, lors de l’un de ses premiers concerts en public, Johannes y a inclus une de ses propres compositions.
En 1848, de nombreux émigrés politiques hongrois sont en transit à Hambourg et lui donnent l’occasion d’entendre de la musique tzigane. Parmi ces émigrés il rencontre le violoniste virtuose Eduard Reményi avec lequel il collabore. Il donne ses premiers concert solistes le 21 septembre 1848 et en 1849 à Hambourg. Il compose ses deux premières sonates pour piano et des Lieder (ses trois premiers opus).
Après avoir quitté l’école, il contribue à l’économie de la famille en donnant des leçons de piano, en jouant dans des restaurants ou des cafés bourgeois, accompagne au théâtre, réalise des arrangements pour divers orchestres.. En 1853, au cours d’une tournée avec Eduard Reményi revenu des États-Unis, la rencontre Joseph Joachim à Göttingen marque le début d’une longue amitié et coopération. Le 30 septembre à Düsseldorf, il rencontre les Schumann qui lui ouvrent les portes de leur maison. Robert Schumann lui consacre un article dans la « Neue Zeitschrift für Musik » (octobre 1853) sous le titre de Neue Bahnen (voies nouvelles). La même année il publie la Sonate opus 5. Toujours en 1853, il rencontre Liszt à Weimar qui joue son 4e Shcerzo. Il passe deux mois à Leipzig, recommandé par Robert Schumann. Il rencontre Julius Otto Grimm, Ferdinand David, Moscheles, Berlioz et de nouveau Liszt. Il obtint l’édition de ses 4 premiers opus par Breitkopf & Härtel et les deux suivants par Bartolf Senff.
En 1854, il compose les Quatre Ballades op. 10, en 1855 le Trio pour piano et cordes op. 8 et les Variations sur un thème de Schumann pour piano op. 9). A cette époque il étudie quelques compositeurs du passé comme Bach, Roland de Lassus ou Palestrina.
Comme sa musique et ses attitudes étaient de nature conservatrice, Brahms devint le héros de ceux qui dénigraient le radical Wagner. En 1860, il s’oppose publiquement à ce qu’il nomme « la musique du futur », c’est à dire avant tout la musique de Liszt, qu’il n’a jamais apprécié. Le texte signé également par Joachim, Grimm et Bernhard Scholz est ridiculisé : En effet, il était prévu de recueillir plusieurs signatures avant d’être rendu public. À la place, les journaux s’en emparèrent alors que le document ne comportait que quatre signatures dont celles de Brahms et Joachim ; la situation fut perçue comme étant une vendetta personnelle de Brahms contre Wagner.
En 1873 il compose sa première œuvre véritablement symphonique, les Variations pour orchestre sur un thème de Haydn (op. 56). Sa première symphonie est créée à Bayreuth le 17 décembre 1876. Cette œuvre fut reçue de façon respectueuse mais mitigée. Non pour la dernière fois, certains porteront l’accusation étonnante que l’oeuvre n’était pas mélodique. Le critique conservateur Eduard Hanslick, champion de Brahms et éreinteur de Wagner, fut d’un enthousiasme réservé. Clara Schumann trouva que certaines portions étaient un peu trop académiques. Tous réalisèrent que l’œuvre, quoique conçue dans un esprit beethovénien, était un reflet du travail personnel de Brahms. Le directeur Hans von Bülow alla jusqu’à décrire cette symphonie comme étant la dixième de Beethoven ; cette comparaison plût à Brahms mais aussi l’exaspéra. Peu après, la symphonie fut reprise à travers l’Europe et toujours avec des résultats similaires. Peu de spectateurs réalisèrent que cette symphonie était destinée à être l’une des plus populaires jamais écrite. Pour Brahms, maintenant qu’il avait réussi l’initiation si redoutée, les vannes symphoniques s’ouvrirent ; la Seconde symphonie parût en moins d’un an, alors qu’en 1885 la Troisième et la Quatrième avaient été publiées.
En mai 1896, il apprit la terrible nouvelle de la mort de Clara Schumann qui était malade depuis quelque temps. Prévoyant cette situation, il a composé Quatre chants sérieux dont il ne put jamais se résigner à entendre. Quoique prévisible, la mort de Clara le bouleversa. Durant quarante ans, leur amour a été tissé de frustration et d’incertitude, mais tout en le soutenant. Il se précipita pour assister à son enterrement et, lors de sa mise en terre, il attrapa une grippe qui ne voulut plus guérir. Finalement, il consulta un médecin qui découvrit que Brahms souffrait d’un cancer du foie dont le stade était assez avancé ; la même maladie qui avait emporté son père. On ne le mit pas au courant de cette situation mais certainement qu’il savait comment interpréter la fatigue et la douleur toujours croissantes.
Il meurt le 3 avril 1897, à l’âge de 63 ans.
A propos du compositeur
Dans son art, Brahms était la réunion d’opposés : un romantique de par son expression mais un classique de par sa forme et sa technique. L’émotion qui se manifeste dans sa musique - la source de sa popularité - est restreinte tant par la forme traditionnelle et que par la logique tonale. Quoique son harmonie soit plus colorée que Beethoven, elle est moins aventureuse que celle de Wagner et Liszt. Quelques fois, les contraintes de cette approche paradoxale sont apparentes dans des développements où ceux-ci ont un sens au point de vue musical mais qui ne sont pas fructueuses au niveau émotionnel ; les sentiments subjectifs semblent lutter contre les contraintes objectives de leur forme. La plupart du temps, Brahms maîtrise ce conflit de loyauté et forge une forme de résolution. De toute façon, ce fut la seule approche qui pouvait convenir à sa personnalité - impassibilité, bourgeoisie, sensibilité, et réticence. La tonalité exquise et crépusculaire que l’on retrouve dans une grande partie de son œuvre est due à ses goûts et sa nostalgie d’un monde irrévocablement passé. Dans la musique de Brahms, toute la tradition musicale occidentale, de Palestrina à Schumann, se retrouve dans une sommation personnelle et éloquente. Après lui, la tradition a dû se trouver de nouvelles avenues.
Enraciné dans la tradition, il se voyait comme un élu, mais un élu plus faible que les géants du passé. En ceci, il se dévaluait tout en étant conscient que des parties de la tradition - romantisme, tonalité, formes classiques - étaient rendues à la fin de leur course. Brahms exprima ses sentiments à propos de ce déclin, et comme en toute chose, avec une résignation ironique plutôt qu’avec désespoir. Sa réponse fut de rassembler les éléments dispersés de la tradition musicale occidentale en une grande synthèse crépusculaire. Ailleurs, la musique du futur se dessinait avec Wagner et ses héritiers. Au moment où Brahms meurt, Debussy avait écrit son révolutionnaire Prélude à l’après-midi d’un faune (1894). Les quinze années suivantes verront apparaître le Sacre du printemps (1913) de Stravinsky et les premières œuvres atonales de Schoenberg. Brahms a composé en sachant qu’il était celui qui fermait le cortège.
A propos de l’oeuvre :
Composé entre 1857 et 1868 par Johannes Brahms , en hommage à sa mère, le « Requiem allemand » a été présenté à la cathédrale de Brême en 1868, où il connut un succès immédiat, tant y éclatait le génie du musicien en matière de composition vocale. Un talent qu’il devait largement confirmer par la suite. Ce requiem a été composé non sur le texte latin utilisé traditionnellement, mais sur des séquences choisies dans la Bible protestante de Martin Luther par Brahms lui-même, d’où son nom de Requiem allemand.
Ein deutsches Requiem est donc une œuvre sacrée mais non liturgique. Elle est composée de 7 mouvements et dure 70-80 minutes ce qui en fait la plus longue composition de Brahms. Ce requiem lui assura la célébrité : Après une première représentation en décembre 1857 des trois premières parties à Vienne, désastreuse car mal préparée avec un timbalier halluciné et un orchestre approximatif, l’oeuvre ne fut pas comprise. Elle sera pourtant créée triomphalement à Bremen le 10 avril 1868. Brahms confia à Karl Reinthaler, le chef d’orchestre de la cathédrale de Bremen, qu’il aurait volontiers appelé cette œuvre un « Requiem humain » . Cette vision humaniste et sacrée est visible tout au long de l’œuvre.
Exemples sonores :
Audio des 7 mouvements :
http://commons.wikimedia.org/wiki/Ein_deutsches_Requiem ?uselang=de
Sélection d’enregistrements :
Claudio Abbado dirige le Berliner Philharmoniker (Allemagne). Enregistré en direct en 1992 et publié en 1993 par Deutsche Grammophon.
Gerd Albrecht dirige le Danish National Orchestra (Danemark). Publié en 2003 par Chetos.
Frieder Bernius dirige le Stuttgart Classical Philharmonic Orchestra (Allemagne). Enregistré en 1997 et publié en 2002 par Carus-verlag.
Philippe Herreweghe dirige l’Orchestre des Champs-Élysées (France). Enregistré en direct en 1996 et publié en 1996 par Harmonia Mundi.
Craig Jessop dirige le Utah Symphony Orchestra (USA) & le Mormon Tabernacle Choir. Enregistré en février 1999 et publié en Octobre 1999 par Telarc. Enregistré en anglais.
Herbert von Karajan dirige le Berliner Philharmoniker et le Wiener Singverein (Allemagne). Enregistré en 1964 et publié en 2002 par Deutsche Grammophon.
Otto Klemperer dirige le Philharmonia Orchestra (Anglais). Enregistré en 1961 et publié en 1999 par EMI Classics.
Rafael Kubelík dirige le Bavarian Radio Symphony Orchestra. Enregistré en direct en 1978 et publié en 2002 par Audite.
Kurt Masur dirige le New York Philharmonic (U.S.). Enregistré en direct en 1995 et publié en 1995 par Teldec.
André Previn dirige le Royal Philharmonic Orchestra (Anglais). Enregistré en 1986 et publié en 2002 par Apex.
Wolfgang Sawallisch dirige le Bavarian Radio Symphony Orchestra (Allemagne). Publié en 1995 par Orfeo.
Carl Schuricht dirige le Stuttgart Radio Symphony Orchestra (Germany). Enregistré en 1959 et publié en 2004 par Hanssler Classic.
Robert Shaw dirige le Atlanta Symphony Orchestra et Chœur (USA). Enregistré en 1990 et publié en 1992 par Telarc.
Version conseillée de l’oeuvre :
Johannes Brahms
Ein deutsches Requiem
Un Requiem Allemand
Gundula Janowitz, soprano
Eberhard Waechter, baryton
Wolfgang Meyer, orgue
Wiener Singerverein
Berliner Philharmoniker
Herbert von Karajan, dir.
Deutsches Grammophon, 1964 : 427 252
01 . Selig sind, die da Leid tragen - 02. Denn alles Fleisch, es ist wie Gras - 03. Herr, lehre doch mich - 04. Wie lieblich sind Deine Wohnungen - 05. Ihr habt nun Traurigkeit - 06. Denn wir haben hie keine bleibende Statt - 07. Selig sind die Toten Feierlich
Partitions libres :
partition complète de l’oeuvre (Ré-orchestration d’Andrew Raiskum pour orgue et choeur) : http://www.cpdl.org/wiki/images/c/c8/JB45-Ein_deutsches_Requiem.pdf
partition Edition Eulenburg 1er mouvement : http://imslp.ca/images/imslp.ca/5/5f/Brahms_-_Ein_deutsches_Requiem_-_I.pdf
2ème mouvement :
http://imslp.net/images/c/cc/German_Requiem_-_2.pdf
3ème mouvement :
http://imslp.ca/images/imslp.ca/4/44/German_Requiem_-_3.pdf
4ème mouvement :
http://imslp.ca/images/imslp.ca/5/58/German_Requiem_-_4.pdf
5ème mouvement :
http://imslp.net/images/e/ee/German_Requiem_-_5.pdf
6ème mouvement :
http://imslp.net/images/f/fd/German_Requiem_-_6.pdf
7ème mouvement :
http://imslp.ca/images/imslp.ca/6/6d/German_Requiem_-_7.pdf
Liens utilisés pour cet article :
http://www.musicologie.org/Biographies/brahms.html
http://infopuq.uquebec.ca/ uss1010/catal/brahms/brajbio.html
Liens complémentaires :
Texte du Requiem allemand avec traduction française :
http://dixdechoeur.free.fr/brahms/requiem/paroles.html
Critique du Requiem allemand par Hugues Imbert :
http://fr.wikisource.org/wiki/Portraits_et_%C3%A9tudes_-_Le_requiem_allemand