Résolument à l’écart des mouvements dodécaphoniques ou sériels, Ohana n’en a pas moins poursuivi une révolution dans l’élargissement des méthodes et l’exploration du son ainsi que des formes qui en résultent. Le son en effet est plus essentiel que le langage ou le système compositionnel, contrairement au sérialisme dont Ohana ne supporte pas la "dictature". Il reste cependant proche des préoccupations de la création de son temps, et utilise par exemple les techniques électroacoustiques, ou les micro- intervalles. Lire l’article
né à Casablanca (Maroc), le 12/06/1913 - † à Paris le 13/11/1992)
De 1913 à 1930 environ : Onzième enfant d’une famille nombreuse et aisée, il est dès son jeune âge attiré par les musiques traditionnelles du Maroc et marqué par le chant de sa nourrice gitane. Sans racines directes espagnoles, Ohana se disait inspiriré par la culture andalouse, le cante jondo et les rythmes africains. Il a fait presque toutes ses études musicales en France, tout en poursuivant ses études classiques.
A partir de 1927 : Sa famille s’installe au Pays-Basque et il suit des cours de piano à Barcelone.
En 1932 il gagne Paris pour suivre un temps des études d’architecture et complète sa formation pianistique avec Lazare Lévy.
En 1936 : Il donne son premier récital de piano.
De 1937 à 1940 : il suit des études d’harmonie et de contrepoint à la Schola Cantorum avec Daniel-Lesur.
De 1940 à 1944 : Pendant la seconde guerre mondiale, sa famille est à Gibraltar et il s’engage volontairement dans l’armée anglaise avec laquelle il participe à des campagnes en Afrique.
De 1944 à 1946 : Il étudie à Rome avec Alfredo Casella à l’Académie Sainte-Cécile. En 1944 il compose le Sonatine Monodique.
En 1946 : il s’installe à Paris. Il fonde le groupe Zodiaque en réaction contre les écoles post-romantiques et sérielles qu’il considère dictatoriales. Il considère qu’en musique le "son" est plus essentiel que le langage, le système. Il reste cependant proche des préoccupations de la création de son temps, et utilise par exemple les techniques électroacoustiques, ou les micro- intervalles.
En 1950 : il crée Du Llanto por Ignacio Sanchez Mejias.
En 1969 : il reçoit le Prix Italia et le Prix National de Musique en 1975
A partir de 1976 : une série ininterrompue d’œuvres de grande envergure telles que l’Anneau du Tamarit pour violoncelle et orchestre, la Messe, les Trois Contes de l’Honorable Fleur, opéra de chambre, le Livre des Prodiges, pour grand orchestre, les Douze études pour piano , etc... conduisent à cette somme qu’est l’opéra La Célestine créé le 13 Juin 1988 au Palais Garnier avec le succès que l’on sait.
En 1982 : il reçoit le Prix Arthur Honegger, le Prix Musical de la Ville de Paris en 1983, et, en 1985, le Prix Maurice Ravel
Le 13 Juin 1988 : Son opéra La Célestine est créé à l’Opéra de Paris.
Depuis 1990 : Président de l’Académie Internationale Maurice Ravel à St Jean de Luz. Il est également Commandeur des Arts et Lettres et Chevalier de la Légion d’Honneur.
En 1991 : il achève sa dernière oeuvre « Avoaha »,pour chœur, 2 pianos et 3 percussions.
En 1992 : il reçoit le Prix de la SACEM pour la meilleure création contemporaine. Le 13 novembre 1992 : il s’éteind à son domicile parisien, à l’âge de 79 ans.
Il est d’abord initié par sa mère au « cante jondo » Espagnol et aux improvisations des musiciens berbères au Maroc, avant d’entamer une formation musicale à Barcelone (1927-1931), puis à Paris avec Jean-Yves Daniel-Lesur pour le contrepoint et l’harmonie (tout en étudiant l’architecture) ; sa mère, d’origine juive sépharade andalouse, son père, natif de Gibraltar et donc citoyen Britannique, et sa nourrice Gitane, lui apportent esprit et culture farouchement indépendants, voire provocateurs ou déconcertants (avec humour, il écrit son nom à l’Irlandaise : O’Hana).
Andalou donc par ses origines, français par sa culture, il a échappé aux influences esthétiques qui ont dominé la musique depuis 1950. Très influencé par l’oeuvre de Debussy et de Falla, il écrit ses premières œuvres significatives dans les années 50 : "Llanto por Ignacio Sánchez Mejías" (1950, pour récitant, baryton, clavecin, chœur et petit orchestre, une pièce célèbre, monodique et modale, scandée et hispanisante), "Cantigas" (1954) utilisant le Cante Jondo. Ohana est en effet resté adepte des modes d’émission vocale du cante jondo Andalou et de ses procédés d’ornementation (sons glissés dans des micro-accidents, tiers de tons arabisants) et fait des recherches sur d’autres micro-intervalles (quarts de ton, dans "Tombeau").
Son style personnel n’est acquis que tardivement (dans les années 70) et sa musique, plus sensuelle que conceptuelle, reste atypique, utilisant plusieurs sources d’inspiration (médiéval, opéra Chinois, théâtre Nô Japonais, jazz, tradition Arabe, etc.) pour créer chaque fois une forme particulière (il est malheureusement très peu joué depuis sa disparition), à la fois fortement émotionnelle et construite, à tendance rituelle, très colorée (par alliage de timbres)... Il s’est crée un style très personnel fait de rythmes et de sonorités rares, de nouvelles formes d’expression vocale et d’un libre emploi des principales acquisitions musicales de notre temps (telles que cluster et micro-intervalles). Fidèle à ses origines andalouses, tout en élargissant leur essence musicale à des dimensions universelles, Ohana a progressé vers une synthèse où l’on retrouve les recherches et les préoccupations de la musique actuelle. Tout d’abord en ce qui concerne la gamme, qu’il libère du carcan diatonique, du rythme, qu’il tend à affranchir de la barre de mesure, et des techniques vocales qu’il ramène vers leurs vertus originelles, hors de l’emprise du bel canto.
(sur un catalogue d’une centaine) :
"Tombeau de Claude Debussy" (1962),
"Cris" (1968),
"24 Préludes" (pour piano, 1973),
"Lys des Madrigaux" (1976, pour choeur de femmes, solistes et ensemble instrumental),
"Anneau du Tamarit" (pour violoncelle et orchestre, 1976),
"Messe" (pour choeurs, solistes et ensemble instrumental, 1977),
"Trois Contes de l’Honorable Fleur" (pour soprano et orchestre, 1978),
"Livre des Prodiges" (1979, pour grand orchestre),
"Douze études d’interprétation" (1985, premier livre, pour piano),
"La Célestine" (opéra, 1988).
Francis BAYER compositeur et enseignant (Université de Paris VIII) : « Si Maurice Ohana n’enseigna jamais de façon régulière, il lui arriva néanmoins, de temps à autre, de remplacer l’un de ses collègues soit au Conservatoire national supérieur de Musique, soit à l’École normale de Musique de Paris. C’est ainsi qu’il devint pour quelque temps, durant l’année scolaire 1970-71, mon " professeur " de composition et que je reçus alors ses premières " leçons de musique ". Très vite, il m’apparut comme une personnalité d’une liberté absolue en même temps que d’une intransigeance esthétique implacable. Non pas qu’il imposât aux étudiants que nous étions une direction musicale déterminée ; mais il ne faisait mystère ni de ses admirations, ni de ses rejets, nous faisant comprendre par là même, de façon très pressante, que l’une des qualités fondamentales d’un musicien-compositeur devant être l’authenticité personnelle, authenticité personnelle qui se mesure avant tout à la profondeur de ses convictions et de ses engagements. Pour lui, en effet, il était absolument impératif de savoir dire oui comme de savoir dire non, tout désir de neutralité prétendument objective en matière artistique étant, à ses yeux, une dangereuse utopie qui ne pouvait relever que de l’escroquerie intellectuelle ou de l’impuissance créatrice. »
Henri Dutilleux, compositeur : « Je me risquais parfois à le chicaner sur une certaine tendance au parallélisme au niveau des structures polyphoniques. Le Méditerranéen qu’il était devait me reprocher secrètement de m’égarer dans les brumes du Nord, les méandres contrapuntiques des écoles flamandes, sinon germaniques. Nous nous retrouvions dans une commune admiration poour la musique médiévale, le chant grégorien, et aussi, bien sûr, pour les grands harmonistes et coloristes tels que Chopin, Debussy et quelques autres (la liste était vite close pour lui).Sa musique, aux arêtes et couleurs vives, baignée de lumière tantôt éclatante, tantôt lunaire, s’épanouit à merveille dans le domaine vocal et choral et je l’envie d’avoir si bien su adapter son style personnel au traitement de la voix humaine. Je songe à bien des pages de l’Office des Oracles, de Lys de Madrigaux et à la trouvaille saisissante par laquelle s’achèvent les toutes dernières pages de la Célestine. »
Guy Reibel, compositeur : « J’ai dirigé plusieurs de ses œuvres, chaque fois avec la même ivresse. Je me souviens en particulier d’un concert où fut donné " l’Office des Oracles " à Saintes, en 1978, avec Jocelyne Taillon et l’Orchestre Philharmonique de la Radio. Ce fut un triomphe, l’œuvre fut bissée. Une œuvre de 40 minutes ! »
Nicolas Zourabichvili (compositeur) :« Maurice Ohana proclamait qu’il partait du son, affirmation qui va à l’encontre de la démarche conceptuelle la plus communément admise, où l’on part d’une idée qu’elle soit musicale (un thème, un rythme), ou plus structurelle (un projet, en quelque sorte démonstratif, où s’expose la conception que l’auteur se fait d’une œuvre musicale -et, parfois même, du monde). Cette réponse de Maurice Ohana renferme l’une des clefs majeures de son œuvre et de sa personnalité. La relation de Maurice Ohana à la musique était d’abord d’essence physique, ce qui lui était une sorte de garantie contre toute spéculation à vide, contre toute musique " fabriquée ". C’est pourquoi il n’a jamais violenté les doigts des pianistes ni les voix des chanteurs, quelles que soient les prouesses techniques qu’il exigeait d’eux. [...] Cette démarche délibérément non-idéologique entraîne de nombreuses conséquences dont certaines donnent à ses Études un caractère particulier. Sur l’ensemble de sa production, elle nous vaut une œuvre dépourvue de tout didactisme, de tout a priori [...] Rien de plus étranger à Maurice Ohana, donc, que la volonté de puissance, qu’elle soit spirituelle, esthétique ou politique, et qu’il associait volontiers à la germanité. Sa manière de conduire sa vie fut conforme à cette attitude, au prix d’une relative mise à l’écart dont il souffrit beaucoup mais qu’il ne tenta guère d’infléchir. [...] »
(1977)
Pour soprano et ensemble instrumental
Année de composition : 1977
Texte : Odile Marcel sur un argument de Maurice Ohana
Durée : 40 mn
Commandée par France-Culture pour le XXXIe Festival d’Avignon, cette partition approfondit et radicalise les recherches de Maurice Ohana dans le domaine du théâtre musical. La rencontre avec l’opéra chinois, en 1954, qui fut déterminante dans l’orientation de son style, trouve ici son application la plus franche : « recherche d’une distanciation évitant l’incidence psychologique, et goût pour les théâtres de l’enfance où l’imagination s’attache à des mondes apparemment fantasmagoriques, mais où dorment peut-être vérité, critique ou mythe » (programme de la représentation au Festival d’Avignon). Leur argument ayant été inventé par le compositeur et leur rédaction confiée à Odile Marcel, les contes n’ont de japonais que l’esprit, et le titre n’est que la traduction française du mot japonais « Ohana » (honorable fleur) ! Le texte réduit l’intervention de la parole intelligible à un rôle d’introduction ou d’incidences explicatives parlées. Elle est relayée, dans la partie chantée, par l’onomatopée, dérivée en partie des phonèmes japonais. La présence des marionnettes, de masques, d’acrobates, crée un univers apparemment naïf, une imagerie à la manière du douanier Rousseau, où se mêlent le mystérieux, le maléfique et le magique.
Les parties :
1) « Ogre mangeant des jeunes femmes sous la Lune »...Comment une jeune femme séduit et berne un ogre mangeur de jeunes femmes. Comment, I’ayant occis, elle se vêt de sa dépouille et, à son tour, dévore les jeunes gens.
2) « Le vent d’Est enfermé dans le sac »...Comment le vent d’Est, pour avoir lutiné la Dame Honorée fut enfermé dans un sac par ordre des Dieux. Comment il fut condamné à vivre dans les neiges et devint triste et froid, et comment le vent d’Ouest survint et enleva la Dame.
3) « La pluie remontée au ciel »...Comment la pluie, fuyant le royaume des singes inhospitaliers, remonta au ciel pour mille ans. Comment, quand elle retomba, la vie refleurit et les singes ont été mis en cage.
Les Trois contes de l’Honorable fleur font partie de ces expériences de théâtre musical des années 60, significatives de la difficulté de renouvellement que connaissait l’art lyrique à ce moment. Œuvre onirique ou les onomatopées prolongées par les instruments tiennent lieu de texte, ces Trois contes font une entrée progressive dans le monde d’Ohana. La magie s’opère peu à peu, les percussions se faisant de plus en plus envoûtantes, le hautbois devenant de plus en plus hichiriki (instrument japonais à anche double). L’utilisation des instruments se fait volontairement non-conventionnelle, avec sons multiphoniques aux vents, effets percussifs au piano et au violoncelle, et l’utilisation généralisée de la microtonalité en liaison avec l’emploi de deux cithares accordées en tiers de ton.
L’oeuvre n’a fait l’objet que de très rares enregistrements. (Elèves : nous contacter pour plus d’infos).
Il existe une version vinyl (chez Philips, Ensemble de solistes. Dir. Daniel Chabrun) http://www.gemm.com/
Aucune partition libre disponible actuellement sur le web.
En location : http://www.henry-lemoine.com/
En prêt : bibliothèque de l’Ircam : http://mediatheque.ircam.fr/
A l’achat :
37,84€
63 €
83.30 €
466.20 €
http://www.partition-musique.fr/
http://www.musiquecontemporaine.info/
Enregistrements d’autres oeuvres de Maurice Ohana :
Ohana parmi nous (interview par Guy Wagner) :
Site officiel de Maurice Ohana :
Bibliogranphie sélective (Agnès Charles) :