Ce mois-ci, nous sommes allés à la rencontre de Cédric Vergère, élève à Polyphonies depuis juin 2007, et qui vit en Suisse dans le Valais : par mail interposés, nous avons pénétré grâce à lui dans le monde du Brass-Band suisse, dont il est un tromboniste aussi précoce que convaincant (et convaincu !). Sa soif d’apprendre, de se dépasser, l’on porté avec succès jusqu’à l’enregistrement tout récent de son premier CD solo : "Slyde Odyssey" : pour en savoir plus... Lire l’article
Tu es né dans une famille de musiciens. En quoi cela a facilité ton parcours musical ?
D’abord ; ça m’a naturellement donné l’envie... Quand j’était petit, j’accompagnais mon père lors des concerts et sorties de la fanfare de notre village, la Concordia de Vétroz. Mes deux grands-pères aussi jouaient aussi dans cette même fanfare, et j’ai bénéficié de leurs conseils et encouragements. Une grande partie de ma famille fait d’ailleurs partie de cette fanfare, c’était donc naturel que je m’inscrive à mon tour à son école de musique. A 8 ans, j’ai commencé mes études de solfège, et j’ai suivi les cours de trombone à l’école de musique de Géo-Pierre Moren, directeur de la Concordia de Vétroz. A 10 ans, je suis rentré dans cette fanfare. Ça m’a permis de mettre le pied à l’étrier, et surtout ça m’a donné l’envie de m’orienter dans cette voie pour devenir musicien de Brass Band. J’ai donc continué mon apprentissage, et à 16 ans, je suis rentré dans un brass band de haut niveau, le Brass Band 13 Etoiles, dirigé également par M. Moren. Cet ensemble est l’un des plus titrés de Suisse puisqu’il a remporté dix fois le championnat suisse des brass bands et a obtenu un grand nombre de places d’honneur à différents concours internationaux. En 2005, il a été invité pour représenter la Suisse au 1er championnat du monde des brass bands qui a eu lieu à Kerkrade (NL) et a remporté le titre du Champion du monde des brass bands !
Entrer dans ce brass band était un cap important pour moi car on doit passer un examen d’entrée, ce qui garantit le niveau de l’ensemble. On a ensuite l’occasion de participer à de nombreux concours, ce qui est très formateur et motivant. De 15 à 20 ans, j’ai eu l’occasion de participer également à plusieurs concours de solistes et, ayant obtenu plusieurs titres, les choses sérieuses ont commencé pour moi. En 2000, je me suis inscris au Conservatoire de Lausanne pour parfaire mes compétences dans mon instrument, parallèlement à des études universitaires en psychologie. Ayant constamment la soif d’apprendre et l’envie de m’améliorer, j’ai continué par la suie à suivre des cours privés et à participer des master-classes avec des trombonistes réputés comme Jacques Mauger, Dany Bonvin et Christian Lindberg. Mais je n’étais pas très intéressé par la musique classique ou symphonique et j’ai privilégié professionnellement mes études universitaires, ce qui me permet aujourd’hui d’exercer mon métier de psychologue conseiller en orientation. J’ai toutefois obtenu un Certificat d’études supérieures de trombone en juin 2004 au Conservatoire de Lausanne.
Tu as finalement choisi une autre orientation professionnelle que la musique...
Oui, mais la musique me prend un temps important. A peu près 15-20 heures hebdomadaires. Ca fait presque un 50%. Mais dans le monde du brass band, on apprend surtout « par expérience ». La pratique est essentiellement amateur, même si on a un très bon niveau musical ! Beaucoup de musiciens amateurs de brass band de haut niveau atteignent un niveau équivalent des professionnels.
En classique, il existe une filière professionnelle et académique, qui passe par le conservatoire. On devient surtout tromboniste d’orchestre par cette filière. Mais je n’avais pas envie de pratiquer ce genre de musique (classique). Le rôle du trombone dans l’orchestre est un peu ingrat : dans ses études on travaille son instrument à un niveau bien plus élevé que ce que l’on joue ensuite à l’orchestre... J’ai préféré le milieu du brass band, où l’on a une pratique, je trouve, beaucoup plus intense, plus technique et plus virtuose. Il faut aussi savoir jouer différents styles et adapter sa façon de jouer. Les instruments de brass bands (cornet à piston, euphonium, alto...)ne sont pas enseignés au niveau professionnel dans les conservatoires suisses. Et puis un bon musicien d’orchestre ne fait pas nécessairement un bon musicien de brass band. Ce n’est pas le même style, pas le même répertoire... Mais si j’avais eu la possibilité de faire des études professionnelles de brass band, comme ça se fait en Anglettere, je l’aurais peut-être fait !
Mais je suis très content d’exercer parallèlement mon métier de psychologue conseiller en orientation. Je ne gagne pas ma vie avec la musique et suis donc plus libre, plus indépendant dans mes projets musicaux. Je peux vraiment faire seulement ce qui me fait plaisir, sans me dire que je dois absolument faire telle ou telle chose pour gagner ma vie. C’est d’ailleurs assez rare, et difficile de vivre uniquement de ses activités de musiciens de brass band.
Comment se déroule ton activité musicale en Suisse ? Quelle est la place des Brass Band dans le paysage musical helvète ?
Comme je l’ai dit, les musiciens sont principalement amateurs dans les brass bands. Un brass band compte environ 10 cornets à piston, 3 altos et 1 bugle, 2 barytons, 2 euphoniums, 3 trombones, 4 quatre basses (tubas) et 3 percussionistes. Les directeurs et les enseignants qui les encadrent, eux, ont fait des études professionnelles généralement, ou ont atteint un très haut niveau musical. Pour tenir ces fonctions, il n’y a pas de diplômes particuliers, c’est surtout l’expérience et les compétences musicales réelles qui font la différence. Pour s’en sortir matériellement en vivant seulement de la musique de brass bands, il faut souvent diriger plusieurs brass bands ou fanfares, et il faut au moins une quarantaine d’élèves à côté. Il faut vraiment beaucoup aimer l’enseignement pour ça, et il faut parfois se déplacer sur plusieurs endroits pour les élèves en plus des répétitions ! Depuis l’âge de 20 ans, j’enseigne moi aussi à des jeunes, mais ayant une profession à côté, je n’ai pas besoin d’avoir autant d’élèves !
Combien de temps consacres-tu à ton instrument, répétitions, concerts, enregistrements ?
D’abord, pour les répétitions, il faut compter 5h par semaine environ pour la fanfare Concordia, et idem pour le 13 Etoiles. Pour garder le niveau, je joue 1h par jour en moyenne, plus mes 3 heures hebdomadaires d’enseignement, ce qui fait 15-20 heures par semaine... Et se greffent là-dessus les projets ponctuels : pour enregistrer mon CD « Slide Odyssey » par exemple, j’ai travaillé l’instrument près de trois heures par jour pendant 4-5 mois, car je devais jouer des pièces pour trombone ténor et aussi pour trombone basse, ce qui est assez sportif !
Pourquoi avoir entrepris des études de composition ?
Dans mes études musicales, j’ai suivi uniquement la filière instrumentale au conservatoire. Evidemment, j’ai dû laisser un peu de côté la partie théorique de la musique. Il n’était pas possible de concilier des études universitaires avec les études de théorie musicale en plus de la pratique de l’instrument. Il a fallu choisir : j’ai préféré l’instrument et l’université. Mais maintenant, j’ai l’occasion de combler cette lacune et aimerais connaître le fonctionnement technique de la musique. Et l’idée d’être capable de mettre sur papier des idées qui me trottent en tête me plait. J’aimerais avoir l’occasion de composer dans le milieu du brass band. Et pourquoi pas d’autres choses... Je suis ouvert à tout ! De plus, les études d’écriture me donne plus d’efficacité dans ma pratique instrumentale et m’aident dans ma formation de direction.
Quel est ton objectif musical ? A quoi aimerais-tu parvenir ?
La suite logique de mon envie de continuer à apprendre m’a amené à aborder la direction de brass band. Depuis 2005, je suis des cours de direction avec Géo-Pierre Moren, car j’envisage de diriger une fanfare de ma région. Evidemment, je compte continuer la pratique instrumentale de haut niveau au brass band 13 Etoiles. Il y a beaucoup de concours en Suisse et à l’étranger, et j’aime ça ! C’est toujours des expériences musicales très enrichissantes et des moments fort sympathiques. J’ai d’ailleurs rencontré ma chère et tendre, Cyndia Rocha, qui est tromboniste aussi, à la Concordia. Elle a aussi un parcours similaire au mien puisqu’elle dirige une chorale, fait des études en chant lyrique, parallèlement à son métier d’employée en assurance. Je vais l’épouser le 5 juillet prochain !
Me lancer dans la direction a pour moi un double objectif : d’abord la direction en soi me plaît beaucoup. Je suis depuis longtemps à la Concordia et au 13 Etoiles comme instrumentiste, et j’ai envie de passer de l’autre côté du pupitre ! Et pourquoi pas écrire des pièces pour ma fanfare et mes élèves !
Tu viens de sortir un CD (Slide Odyssey) avec Corine Valloton au piano : peux-tu nous en dire quelques mots ?
Ce CD regroupe des pièces de style brass band et classique. Certaines sont même inédites ou ont spécialement été arrangées pour cet enregistrement. On y trouve six pièces pour trombone ténor, 4 pour trombone-basse, ainsi qu’un quatuor de trombones dont j’ai enregistré les différentes voix. L’accompagnement au piano est assuré par Corinne Valloton et le CD est produit par les Editions Marc Reift de Crans-Montana sous leur label Marcophon.
Corinne est une amie de longue date. Elle est l’accompagnatrice des élèves de Géo-Pierre Moren et m’accompagnait dans les concours dans les années 96-99 ! On a toujours gardé contact. Elle est aussi très proche de ma fiancée, et sera même son témoin de mariage ! C’est une pianiste formidable, très professionnelle, et elle m’a beaucoup soutenu pour cet enregistrement. Je pouvais compter sur ses conseils et elle était très disponible pour moi.
L’initiative du Cd, revient au producteur Marc Reift. Il souhaitait enregistrer des pièces qu’il éditait. Il cherchait pour cette raison un tromboniste et m’a contacté. De fil en aiguille, j’ai profité de l’opportunité pour réaliser un CD en soliste. Nous ferions ainsi d’une pierre deux coups : Marc aurait ses extraits enregistrés, et moi un enregistrement en soliste.
J’ai donc choisi des oeuvres déjà éditées chez lui. Et j’ai complété la liste en en arrangeant d’autres. Je suis vraiment satisfait du résultat et j’encourage tous les intéressés à venir jeter un coup d’œil à mon site internet créé pour la sortie de ce CD : http://cedricvergere.dalton.ch.
Eh bien, toutes nos félicitations Cédric ! et plein de succès pour ton CD...