Le blog de Polyphonies, école à distance d’écriture musicale et de composition.

... Sur Salim DADA

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Nous avons interrogé ce mois-ci Salim Dada, élève de Polyphonies depuis plusieurs années, et dont l’activité musicale est impressionnante. Premier compositeur en résidence auprès de l’Orchestre Symphonique National Algérien notamment, sa musique se nourrit des deux traditions qui lui sont familières ; orientale et occidentale. Son but ? trouver de nouvelles couleurs sonores, des structures originales qui unifieront mélodie, rythme, timbre, harmonie et contrepoint, pour "l’exploitation savante de notre héritage culturel et pour l’évolution de cet art ancien"... un bel exemple de syncrétisme musical Lire l’article

En 2007 et pour la première fois en Algérie, vous avez été nommé « Compositeur en Résidence » auprès de l’Orchestre Symphonique National Algérien. L’expérience a dû être primordiale dans votre écriture : quel impact a-t-elle eu sur votre orchestration ?

Effectivement, le poste du compositeur de l’orchestre symphonique national Algérien à été un grand privilège pour moi en tant que compositeur et en tant que musicien aussi. Etre compositeur en résidence c’est en quelque sorte se consacrer totalement à la création au sens large du terme : dès les premières idées qui peuvent naitre suite à une conversation ou un événement ou une commande de l’orchestre ou une demande d’un chef d’orchestre, jusqu’à la composition proprement dite (écriture, orchestration, ainsi que l’édition du conducteur et du matériel d’orchestre), jusqu’aux répétitions et concerts, voire même l’enregistrement. Toute l’opération de la création musicale est là.

Ce métier m’a fait rentrer au cœur de l’orchestre, j’étais à l’écoute directe des musiciens, je voyais leurs soucis et leurs limites, j’écoutais leurs suggestions par rapport à leurs techniques et leurs instruments, comme j’écoutais aussi la critique de quelques uns qui ne manquaient pas d’humour !

Avec d’autres musiciens j’ai collaboré et expérimenté les passages et les idées ou les techniques d’une ultérieure composition. Une lecture profonde de mes partitions se faisait naturellement avec les chefs d’orchestre, également un travail sur le caractère et sur les messages socio-culturels que j’incorpore toujours dans mes compositions.

A part les caractéristiques physiques, techniques et musicales de chaque instrument et de chaque musicien, j’ai appris beaucoup de chose concernant l’acoustique globale de l’orchestre : superpositions des timbres, 3ème son, les harmoniques de l’orchestre, la réverbération naturelle, le tempo de l’orchestre : tout ça, on ne le constate pas à l’écoute d’un CD...

Autre chose aussi importante dans le fonctionnement d’un orchestre et qui est à mon avis très nécessaire au compositeur qui se dédie à l’écriture symphonique ; il s’agit de la hiérarchie de l’orchestre, quoique ça peut apparaitre comme un aspect bureaucratique ou administratif, mais c’est justement ça, car en effet l’orchestre est comme une petite caserne composé de plusieurs dizaine de personnes aussi différents dans leur âge que dans leur mentalité, leur culture et leur tempéraments, il faut de l’ordre et de la rigueur je dirais presque militaire pour en tirer le meilleur. Chaque membre de l’orchestre a un rôle bien défini : comprendre ces rôles et faire avec, c’est favoriser la réussite de l’exécution d’une partition. On ne peut pas confondre le rôle d’un directeur d’orchestre avec celui d’un directeur artistique, ou celui du chef d’orchestre avec le chef assistant. Le premier violon a un rôle plus large que les chefs d’attaque. Il faut comprendre aussi la relation entre les chefs de pupitres et les seconds dans les vents par exemple, ou avec les troisièmes dans le cas des cors et des trombones, également pour ce qui est du rôle du timbalier par rapport aux autres percussionnistes... Tu ne peux confondre le rôle du régisseur avec celui du copiste ou des organisateurs !

Personnellement je considère que l’orchestre symphonique est l’organe musical le plus complet et le plus riche, mais également le plus imparfait ! Car il y a une immensité de variantes et de subtilités qui font que le son se dégage ou non. Certaines réalisations sonnent parfaitement, d’autres non. Des passages résonnent très bien dans une salle et moins bien dans une autre. Sur deux représentations dans des conditions pareilles, les musiciens peuvent éprouver deux attitudes différentes. C’est très relatif tout ça ! et ça se joue sur des choses très subtiles, d’apparences banales, qui peuvent être de l’ordre d’un transport inconfortable, de l’étroitesse de la salle, du manque de colophane sur quelques violons, de la froideur des cuivres à cause d’un climatiseur dans la salle, de la dilatation de la peau de la grosse caisse face au soleil en concert plein air, de l’hésitation d’un tromboniste à cause de la petitesse de la partition, voir même la lourdeur du geste d’un chef d’orchestre après un repas très copieux !!

La part de la psychologie dans l’orchestre est primordiale, l’écriture d’une partition doit prendre conscience de tout ça. En effet, on n’écrit pas des notes sur du papier, mais on induit des pulsions à des êtres humains. Ça il faut bien le saisir !

Depuis ma nomination « Compositeur en Résidence » auprès de l’Orchestre Symphonique National Algérien en 2007 à ce jour, nous avons créés 7 compositions, dont 5 inédites : FANTAISIE SUR UN AIR ANDALOU pour flûte et orchestre, les deux danses symphoniques LOUNGA NAHAWOUND et LOUNGA DIL, le poème symphonique SOUVENIRS D’ENFANCE, la danse de ballet BENT ESSAHRA. Les créations nationales sont : le Samai Nahawound pour orchestre ASHWAQ et LOVE SONG pour orchestre à cordes.

-  Vous avez aussi travaillé avec d’autres ensembles : Ensemble Conductus de Merano, Bassamat Oud Duet de Paris, Wacky Brass Quintet (ensemble genevois). Comment vous sont venues ces opportunités ? Avez-vous beaucoup démarché ?

En effet, le travail avec d’autres orchestres et d’autres ensembles est une nécessité pour moi. C’est une manière directe pour diffuser et communiquer mes idées, c’est une façon aussi de constater la vision d’autres cultures envers ma musique, et souvent ces rencontres se transforment en des points de départ vers d’autres projets et d’autres collaborations.

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Salim entre Giacomo Agazzini et Marcello Fera, avec l’Esemble Conductus.

Je cite l’exemple de Giacomo Agazzini, qui été leader à la première création de ma LOUNGA NAHAWOUND à Alger dirigé par Guido Maria Guida, ce magnifique violoniste italien à apprécié énormément cette œuvre où il à excellé dans le solo de violon, écrit dans le style d’un Taqsim arabe. D’ailleurs depuis, notre amitié n’a pas cessée de s’accroître et nos collaborations aussi ! Sur sa demande j’ai écrit LOVE SONG pour l’Orchestra de Archi Propedeutica du Conservatoire de Turin, après est née l’idée des CONVERSATIONS (douze duos pour deux violonistes que j’ai écrit cet hiver). A travers lui, j’ai fait la connaissance d’un très bon ensemble de cordes en Italie « Conductus Ensemble » et son chef d’orchestre Marcello Fera, et qui m’ont invité à présenter deux compositions au concert annuel de la musique contemporaine de la ville de Merano au nord d’Italie. Tellement le Conductus à interprété admirablement mes LOVE SONG et FREEDOM DANCE, au point où quelques mois après j’ai décidé d’enregistrer avec eux ma musique du film BEN BOULAЇD, une grande performance à été réalisée au château de Tirolo.

C’était juste un exemple pour dire que le travail se nourri de lui-même. Etre original ou unique dans son genre c’est bien, mais ce n’est pas suffisant ! La compétence, l’efficacité, le respect des délais, l’écoute de l’autre et l’apport humain avec les collaborateurs sont aussi indispensables pour qu’une confiance et un engagement moral s’instaurent, d’où vient après les collaborations, les commandes et les performances.

Et c’est exactement avec cette démarche professionnelle que j’ai eu le plaisir de travailler avec l’Orchestre Symphonique National Algérien, l’Arab Youth Philharmonic Orchestra, l’Euro-Mediterranean Youth Orchestra, le Cairo Symphony Orchestra, l’Orchestra d’archi del Perinaldo Festival, le guitariste argentin Sergio Puccini, le duo Oud Bassamat de Paris, la claveciniste allemande Angelika Moths, etc.. Constat de ces deux dernières années : 12 créations, 42 représentations en : Algérie, Allemagne, Italie, Autriche, France, Syrie, Egypte, Maroc et Argentine.

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Extrait "En Souvenir de Bach" invention

-  Vous avez expliqué, à propos de votre FANTAISIE SUR UN AIR ANDALOU (2007), qu’elle représente une sérieuse ébauche d’une écriture symphonique moderne de la musique algérienne, avec ses différents éléments authentiques et aspects originaux : mélodiques, modaux, rythmiques et expressifs... Pouvez-vous préciser et nous donner quelques indications techniques à l’adresse de vos confrères de Polyphonies ?

Oui, il s’agit du commentaire de la brochure de l’Orchestre Symphonique National Algérien lors du premier concert de cette Fantaisie.

L’élaboration de cette Fantaisie est une sorte d’amalgame entre l’art savant et l’art populaire traditionnel, je pense que ceux sont deux éléments indispensables pour l’exploitation de notre héritage culturel et pour l’évolution de cet art ancien, afin d’aboutir à un langage local mais aussi universel qui peut être transmis par d’autres cultures et communiqué avec d’autres civilisations.

Inspiré d’un ancien air « Dir Ya Nadim », une musique andalouse algérienne chanté dans la région de Laghouat sur le mode Mezmoum ; j’ai exploité les 16 mesures de cet air, je les ai remaniées et développées pour créer un voyage dans le temps, du passé vers le futur, dans une atmosphère nostalgique pleine de lumière. La forme est un dialogue concertant entre orchestre symphonique coloré et rythmé et une flûte traversière qui chante dans une expression chère à la Gasba Bedouwi (traditionnelle flûte en roseau du Sahara).

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Salut après la 1ère représentation de la "Fantaisie".

En 2000 et à l’origine, cette composition était conçue pour guitare et chant. On s’amusait ma femme et moi à la chanter ! Et c’est sur une commande de l’orchestre algérien en novembre 2006 que j’ai révisé cette composition et je l’ai orchestrée pour donner naissance à une œuvre inédite : « Fantaisie sur un air Andalou » pour flûte et orchestre. La première création de à eu lieu le 28 Février 2007 à l’Auditorium de la Radio Algérienne à Alger, par l’Orchestre Symphonique National, avec Djamel Ghazi en solo et dirigée par le maestro japonais Hikotaro Yazaki.

J’ai dédié cette Fantaisie à la mémoire d’une grande figure de la musique Arabo Andalouse en Algérie et au Maghreb : le Cheikh « Rey Malek » de Laghouat ; un des derniers conservateurs de cet art sublime.

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Extrait de "Fantaisie sur un air andalou"

-  Votre FREEDOM DANCE témoigne également de la double origine de votre inspiration : vous puisez aux anciennes formes musicales islamiques orales, que vous revisitez « par l’écriture et la recherche académique ». De quelle manière utilisez-vous l’harmonie et le contrepoint, tels que vous les avez appris ? (Extrait sonore mp3 ?)

J’avoue que lorsque j’ai commencé à étudier profondément la musique populaire algérienne, l’héritage musical arabe et les formes islamiques, j’ai eu des difficultés à conceptualiser une harmonie ou un contrepoint propres à ces musiques. Utiliser l’harmonie tonale européenne comme telle ne répondait pas à mes besoins ni à l’esthétique de ces musiques. D’un point de vue mélodique, la musique arabe repose sur le concept du "MAQAM", dit "TABA3" au Maghreb : c’est un concept modal mais qui porte une grande importance non seulement sur l’échelle sonore mais surtout sur le développement et le cheminement mélodique type à chaque Maqam, ainsi que sur le diapason et le choix de la tonique, mais surtout sur l’atmosphère et l’émotion que peut dégager chaque Maqam. Dans la tradition, on jouait ces Maqam pour des horarires et des circonstances précises, avec un choix de texte et un choix de diapason très soigné. La spiritualité est évoquée aussi : Al Maqam vient des AL MAQAMAT, qui définissent l’échelle de l’évolution spirituelle, dans la tradition musulmane soufie (dite mystique ou soufisme en occident).

Autre singularité aussi, dans le rapport tension-détente ou dominante-tonique. En effet ce rapport existe mais surtout dans son sens mélodique. Il faut noter qu’on ne trouve pas systématiquement la dominante sur la quinte comme les Maqam (Rast, Nahawound, Naw Athar, Mawal, Dil), mais aussi sur la quarte (Bayati, Hijaz, Ghrib, Zidan), et sur la sixte (Sikah, Houzam, 3iraq, Sika). En effet, la dominante n’est pas perçue comme un élément étranger ou de contraste, mais elle est la continuité de la tonique, et lui offre des possibilités d’extension et de développement. Il faut dire aussi que l’existence des micro-intervalles ne rend pas les choses aussi simples !!

Tout ça pour dire que ce n’était pas facile de s’aventurer à harmoniser un Maqam, avant de le connaitre et le maîtriser (le chanter, le jouer sur l’instrument... ce qui m’a amené à étudier certains instruments traditionnels tel que Al Oud, El Kwitra, le Mondole et les percussions), pour arriver enfin à improviser aisément sur ces Maqam : c’est le "TAQSIM", l’art sublime de la création instantanée et improvisée dans la culture musicale arabe.

Cette approche pratique et empirique à été très influente pour tous mes travaux suivants : partir de l’académisme vers la tradition orale et synthétiser tous ces éléments, donnera sûrement une richesse à l’écriture et une profondeur à l’expression.

Revenons maintenant à votre question sur l’harmonie ! C’est après avoir compris les rapports intrinsèques propres à chaque mode, et l’esthétique comme la philosophie de cette musique, que j’ai commencé à chercher des nouveaux éléments d’écriture : des nouveaux agrégats harmoniques, des enchaînements inhabituels, un chromatisme moins fonctionnel, de l’unisson bien placé et du parallélisme bien présent. Jusqu’à aujourd’hui je vois que je ne suis pas encore arrivé à mon idéal de la polyphonie arabe, ce que j’ai fait jusqu’à maintenant n’est que la synthèse de toutes les données que j’avais étudiées et maitrisées dans mes quinze ans de musique. Mon but actuel est d’arriver à des nouvelles couleurs sonores et à des structures plus originales et plus unifiées entre mélodie, rythme, timbre, harmonie et contrepoint. Ça me demande encore plus de travail, plus de recherche et plus de réflexion, et c’est exactement ce que je fais maintenant ! (sourire)

A la fin et pour l’exemple de FREEDOM DANCE que j’ai écrit lors de mon séjour de 3 jours à Bayreuth en aout 2007. La forme est celle d’un "Sirto" médio-oriental du XIX siècle, forme très controversée entre "Lounga", "Doulab" et exercice technique. Le Maqam que j’ai utilisé est aussi particulier, c’est le "Nekriz" (do ré mib fa# sol la sib do) ; donc mode mineur, mais avec une quarte augmentée, une sixte majeure et sans sensible !

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Extrait de "Freedom Dance"

-  Pouvez nous brosser rapidement le tableau de la vie musicale en Algérie aujourd’hui ? Comment vit un compositeur : bien, mal, difficilement ?...

L’activité musicale en Algérie est très animée et très riche, certes le Raï fait commercialement le gros lot, mais d’autres styles traditionnels continuent à s’imposer et a trouver un public attentif (Chaabi, Hawzi, Andalou, Malouf, Chaoui, Sahraoui, Tergui..). D’autres formations ont préféré se démarquer dans une approche métisse avec des tendances multiples : Africaine, Gnawi, Orientale, Celtique, Rock, Rap, Blues, Jazz, Rumba gitane, Métal.. C’est le cas des groupes : Raïna Rai, El Ferda, Djmawi Africa, Gaada Diwane Béchar, Madar, Harmonica, Sinouj, Index, Dzaïr, Djezma, Litham, Double Canon, MBS et pleins d’autres.

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En dirigeant un des orchestres de musique arabo-andalouse en Algérie

D’autres ont déjà tracé des carrières internationales souvent très réussies dans la World Music, tel que les chanteurs Khaled, Mami, Fella, Faudel, Rachid Taha, Takfarinas, Othmane Bali, Baaziz, Hamid Baroudi, Souad Massi, Hasna El Becharia, Houria Aïchi, Amel Brahim-Djelloul et Mohamed Reda. Egalement pour les musiciens Karim Ziad, Amazigh Kateb et Gnawa Diffusion, Youcef Boukella et l’Orchestre National de Barbès, Cheikh Sidi Bemol, Safi Boutella, Alla, Djamel Laroussi, Kader Fahem et encore pleins d’autres que l’espace ne permet pas de citer !

A mon avis, le musicien algérien actuel éprouve un grand besoin de revendiquer son identité multiple ; berbère, arabo-musulmane, africaine, méditerranéenne, et sa proximité avec l’Europe. Le va et vient Orient/Occident et Sud/Nord lui semble très naturel et plus aisé que les autres musiciens arabes et africains.

Pour la composition (et malheureusement je connais très peu de compositeurs qui travaille sérieusement sur l’écriture et sur la composition proprement dite), les plus compétents choisissent la voie du cinéma, TV et spot publicitaires où ils sont bien rémunérés bien évidemment. Naturellement les compositeurs ne font pas beaucoup de spectacles, et comme ils ne peuvent pas vivre de leurs commandes, cette vocation est la plus difficile et la moins garantie. Un grand travail de recherche doit déjà être comblé pour faire avancer notre musique. Une politique culturelle et musicale doit être instaurée de façon officielle, les quelques compositeurs qui existent doivent être pris en charge, pour qu’ils ne se dédient qu’à leur travaux et qu’à leur recherches.

-  Deux questions pour sourire : quel est votre plus beau souvenir musical ?

(Rire) … Ah ! il y en a plein ! A vrai dire, la musique a un grand effet sur moi, que se soit dans l’écoute ou dans l’exécution, ou plus encore dans la composition. Chaque moment de sincérité est une performance pour moi, et dont je peux me rappeler des années plus tard !

Mais pour les lecteurs de POLYPHONIES je vais leur raconter quelques anecdotes :

Une fois, je jouais les percussions de ma LOUNGA NAHAWOUND avec l’Orchestre National Algérien, quand à la fin de l’exécution et après avoir salué le public, un vieillard vient me chuchoter à l’oreille : "Bravo mon fils pour les percussions, tu es doué certes ! Mais normalement c’est au compositeur de saluer le public, et non le contraire, toi jeune homme … Quelle génération ?!!"

Une autre fois, et devant l’insistance impérieuse d’une journaliste qui veut à tout prix m’étiqueter dans un courant musical (je pense que c’était pour son confort intellectuel ou sa stabilité personnelle) et me posant carrément la question suivante : "Alors Mr. Salim Dada, en tant que jeune compositeur qui vient d’une culture arabe et qui écrit pour l’orchestre européen, vous vous sentez plus proche du classicisme ou du romantisme ou plutôt de l’impressionnisme ??", je lui répondis : "Ni l’un ni l’autre madame.. Je me sens plutôt dans le DADAïsme !"

Un autre souvenir ; de la musique du film BEN BOULAЇD cette fois. J’avais composé au Sahara à Laghouat toute la musique, sauf le générique qui est la pièce maitresse de toute la BO. J’étais très fatigué, et quand on est épuisé mieux vaut s’arrêter (conseil aux jeunes compositeurs !)... Dans ce générique, l’image commence sur un noir annonçant le titre du film en rouge. Le noir s’ouvre sur une porte de l’intérieur d’un hangar où des soldats au levé du matin se préparent pour la bataille. Là, on voit l’héroïne du film Ben Boulaїd qui guide ses soldats pour une marche dans la forêt, jusqu’à un point d’arrêt, où un moment de suspens fait tension avant le commencement de l’accrochage... arrêt de la musique.

On était donc au Tirolo sur les montagnes austro-italiennes. L’ensemble Conductus était déjà en répétition. Il restait une journée pour rentrer en studio et enregistrer. Seul Fera le chef d’orchestre savait que cette pièce manquait au puzzle !! On ne voulait surtout pas inquitéter les musiciens...

Je crois que c’est grâce à la confiance de mes collaborateurs et du dévouement des musiciens que j’ai eu la force et l’énergie de terminer ce puzzle. J’ai écrit en quelques heures seulement ce générique qui devait accompagner tout le début du film, et qui annonce les 3 thèmes principaux que j’utilise ensuite.

Finalement, c’est l’une des pistes les plus réussies de cette BO de 55mn !

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Extrait du générique du film "BEN BOULAÏD"

-  Quelle est votre attente la plus pressante ?

Que ma femme me rejoigne en Italie, là où je vis actuellement ! Pour le futur, je ne suis pas pressé, mon travail et mes recherches avancent bien. A chaque chose son temps. Si j’ai appris des choses dans ma vie de compositeur, c’est bien l’obstination et la patience !! (sourire).

-  Une petite question personnelle pour finir ; vous avez obtenu en 2005 votre Doctorat de la Faculté de Médecine d’Alger, parallèlement à vos études musicales. Quelle place la médecine occupe-t-elle dans votre vie ? Doit-on y voir une deuxième vocation ?

Après la fin de mes études médicales, j’ai pratiqué pendant deux ans au service de gynécologie et des urgences psychiatrique du CHU Mustapha d’Alger. Mais j’ai arrêté quand j’ai senti le besoin de lancer ma carrière de compositeur, pour me consacrer à mes créations et à leur réalisations. La médecine exige une consécration et une disponibilité absolue, la composition les exige également, mais elle est plus imprévisible et se nourrit des voyages, raisons pour lesquelles je ne pourrais pas mener les deux carrières en même temps, du moins pour l’instant ;-)

La médecine reste toujours présente dans mon esprit, quoi que je ne songe pas à la pratiquer dans un futur proche, mais l’idée de réconcilier ces deux vocations me tente, et je trouve que la musicothérapie répond à ce besoin...

Merci beaucoup Salim pour cette interview !! et très bonne chance pour la suite !

    Joëlle KUCZYNSKI
    Responsable administration de l’école à distance POLYPHONIES. Conception et réalisation des supports formation. Responsable rédaction du Mensuel. Chanteuse.
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