Le blog de Polyphonies, école à distance d’écriture musicale et de composition.

Apprendre la composition musicale ? (partie 1)

La question n’a pas pu vous échapper, à un moment ou à un autre de votre formation : la composition musicale peut-elle véritablement s’enseigner ? De quoi relève votre écoute intérieure ? Et, question sulfureuse entre toutes ; avez-vous du génie ???... Le C.E.F.E.D.E.M Rhône-Alpes a publié le mémoire du compositeur guitariste et enseignant Antoire AURECHE, intitulé "Réflexions sur l’enseignement de la composition". Nous le prenons ici comme support pour étayer les orientations pédagogiques de Polyphonies. Lire l’article


SOMMAIRE
- Partie 1 : La question du "génie créateur"
- Partie 2 : "L’écoute intérieure"
- Partie 3 : "la création, l’invention, l’improvisation"


LA QUESTION DU "GENIE CREATEUR"

Antoine AURECHE montre dans les premiers chapitres de son mémoire, combien cette question du génie, rattachée à la composition, en mystifie l’exercice et sabote la légitimité de son enseignement :

« A composer is or isn’t”, déclare Stravinsky. “Un compositeur est, ou n’est pas ». Position bien connue que celle-ci : le compositeur, dit encore Stravinsky, « ne peut apprendre à acquérir le don qui fait de lui un compositeur » ; « et qu’il l’ait ou non, dans les deux cas, il n’aura besoin de rien que je puisse lui dire » [1]. [...] Le génie du compositeur est un don de la nature, quelque chose qu’il porte en lui dès sa venue au monde, personne n’est libre, de choisir ou non l’accession à cet état de compositeur : « Quelques efforts que l’on puisse faire, quelque acquis que l’on puisse avoir, il faut être né pour cet Art, autrement on n’y fera jamais rien que de médiocre [2] [...] Selon cette thèse, seuls ceux possédant le « don de composition » pourraient composer. L’apprentissage de la composition étant impossible, dans quelque situation que ce soit, son enseignement perdrait ainsi toute légitimité. Ainsi, un élève ne possédant pas ce génie ne pourrait être élevé à l’état de génie ; et un élève possédant ce don n’aurait besoin de personne ni pour prendre conscience de ses facultés, ni pour les développer."

...Ni pour les développer, est-ce bien certain ? On peut constater qu’il a été nécessaire au génie d’Einstein néanmoins d’apprendre à compter, comme tout un chacun. La connaissance de l’usage, la maitrise des règles fondamentales qui régissent n’importe quelle technique sont des pré-requis indispensables au créateur. Les communiquer à celui qui désire composer lui fait gagner un temps considérable : il accède ainsi sans avoir à en faire l’expérimentation par lui-même, à un ensemble d’outils lui permettant de développer son langage musical. Telle est notre conviction, et le but pédagogique que Polyphonies poursuit. D’ailleurs Roland de Candé [3] en donne une définition à laquelle nous adhérons complètement : "Composer, c’est imaginer une musique possible dans un système déterminé, choisir les éléments en relation avec le tout et les noter éventuellement par des signes conventionnels".

Le "système déterminé" sur lequel nous fondons notre enseignement est celui de la musique tonale [4]. Ce système est en effet le socle commun à toutes les musiques populaires occidentales (sans compter la musique "savante") ; jazz, traditionnelles, musique à l’image, chansons.... car même si ces musiques sont le plus souvent transmises oralement, leurs structures obéissent toujours à la tonalité. La maitrise de ce système conditionne la qualité d’une très grande partie des productions musicales d’aujourd’hui. C’est pourquoi maîtriser l’écriture tonale, est toujours un enjeu essentiel pour le musicien.

Alors évidemment, nous n’enseignerons pas à ce musicien comment devenir génial. De toute évidence cela ne s’enseigne pas, pas plus qu’imaginer ou créer. Ce sont des facultés, et non des techniques transmissibles. Mais nous lui enseignerons comment mettre en forme, agencer, construire, ce qui en lui ne s’apprend pas !

Voilà sous quel angle écouter positivement les travaux d’élèves placés dans la GALERIE AUDIO de Polyphonies : comme résultats perfectibles d’un enseignement qui vise à transmettre les formes historiques du langage musical occidental, en constante mutation.

C’est ainsi qu’Antoine AURECHE constate en effet : "L’enregistrement des pièces des élèves de D.W. [5], réalisé sur un support CD, témoigne effectivement du potentiel impressionnant d’élèves n’ayant pour la plupart jamais suivit de cours de d’analyse, d’harmonie ou de contrepoint [...] Tous les élèves de D.W. sont-ils des génies ? Il serait plus raisonnable de penser que l’enseignement de leur professeur d’instrument et de composition (D.W.) permet à chacun d’entre eux de développer un langage intéressant". Mais ce "potentiel impressionnant" qu’ont les élèves, d’où vient-il ? Jean ROBERT [6] souligne également :"Généralement nous sommes victimes d’un à priori très fort vis à vis de la musique : L’art musical est du domaine des spécialistes. Or nous possédons tous, comme l’enfant de quatre ans les rudiments d’une pensée musicale occidentale, orientale ou africaine, etc. Ces rudiments nous permettent non seulement de retenir une chanson, un air plus ou moins complexe, mais également de fredonner n’importe quoi selon notre inspiration. Malheureusement nous ne prenons pas au sérieux ce "n’importe quoi" [...] On ne pense pas qu’improviser, chercher des notes sur une flûte ou un piano soit digne d’intérêt. Alors que c’est le point de départ de la communication.".

Car qu’est-ce donc que la composition, sinon une forme particulière de communication humaine, où les notes remplacent les mots, et dont "le but suprême est d’émouvoir" ? Nous parlons très volontiers de "langage musical" à Polyphonies. Et cette langue a sa syntaxe, sa grammaire : quiconque veut s’exprimer doit l’apprendre.

Liens complémentaires

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Mémoire A.AURECHE
  • ANTOINE AURECHE : site officiel
  • REFLEXION SUR LE GENIE article de Philippe LEPOINT (Professeur de philosophie, organiste à St Pierre St Paul de Maubeuge. Élève de Polyphonies).
  • JEAN ROBERT : Apprendre la composition : c’est possible pour tous !

  • Notes

    [1] « The Composer Is a University Commodity », dans The Writings of Elliott Carter, textes réunis et annotés par Else Stone et Kurt Stone, Indiana University Press, 1977. / présenté dans « Enseigner La Composition », Textes réunis par Peter Szendy.

    [2] J.J. ROUSSEAU, « Dictionnaire de Musique »

    [3] Roland de Candé est un musicologue français du XXe siècle, auteur de nombreux dictionnaires de la musique faisant référence, dont le "Nouveau dictionnaire de la musique (Seuil) d’où nous tirons cette définition

    [4] Même si nous abordons des systèmes plus récents dans les sessions finales de composition : dodécaphonisme, sérialisme intégral etc

    [5] Ce mémoire fait intervenir le témoignage de trois professionnels de la musique : M.P., directeur d’une Ecole Nationale de Musique, P.P. et D.W., professeurs enseignant tous deux la composition dans leur classe d’instrument

    [6] Musicologue et enseignant, fondateur de l’école associative les ACM (Ateliers de Création Musicale). Extrait de l’article "Apprendre la composition : c’est possible pour tous !"->http://www.polyphonies.eu/lemensuel/spip.php ?article168])

      Joëlle KUCZYNSKI
      Responsable administration de l’école à distance POLYPHONIES. Conception et réalisation des supports formation. Responsable rédaction du Mensuel. Chanteuse.
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