"Mon audition intérieure n’est pas très bonne. Est il nécessaire de la développer dans le cadre de ma formation d’écriture et comment dois-je procéder ?"
Développer son audition intérieure (I)
Développer son audition intérieure (II)
"Mon audition intérieure n’est pas très bonne. Est il nécessaire de la développer dans le cadre de ma formation d’écriture et comment dois-je procéder ?"
Pour être plus précis, c’est plutôt la capacité de chanter intérieurement la musique qu’il est nécessaire de développer conjointement à vos études d’écriture. Toutefois, il ne faut pas perdre de vue que ce chant intérieur doive constamment rester au service d’une pensée musicale.
Le premier stade de notre apprentissage est l’acquisition des mécanismes de l’écrit. Nous ne faisons pas appel à l’audition pour réaliser nos exercices. Nous essayons simplement de nous concentrer sur les techniques d’écriture proprement dites. Pour cela, l’analyse est un outil primordial. Dans vos exercices, les choix de certains paramètres comme par exemple les intervalles, les cadences, la ligne, les tensions et les détentes, les relations modales, la complémentarité, la forme musicale, etc., participent au développement d’une pensée musicale. C’est celle-ci qu’il faut commencer par acquérir. Aussi, le développement d’une audition intérieure n’est donc pas d’une très grande utilité pour les premiers cours d’écriture tandis qu’il deviendra indispensable en composition. Mais alors l’étudiant aura suffisamment acquis d’automatismes d’écriture.
Toutefois, développer son audition intérieure demande du temps. Il est donc préférable malgré tout de s’y atteler dès le début de la formation. Il s’agit d’un travail personnel puisque nos cours sont à distance. Ce second volet de l’apprentissage, parallèle à votre formation en écriture, est très important. Le moment viendra en effet, où la fusion pensée musicale / audition intérieure se fera tout naturellement. Cette représentation musicale intérieure, qui devra devenir la plus précise possible, se mettra donc peu à peu en place durant la formation, conjointement au développement de la pensée musicale.
Pour développer son écoute intérieure, la compréhension des éléments du langage musical est primordiale. Comme pour un texte littéraire, la mémoire auditive est bien plus efficace si nous comprenons la musique que nous lisons ou que nous écrivons. C’est la méthode la plus efficace et la plus aisée à mon avis. Mémoriser auditivement les différentes cadences par exemple ne présente pas de grandes difficultés si nous en connaissons bien le fonctionnement. La logique que nous percevons sur le papier se retrouve entièrement à l’écoute. Il en va toujours ainsi en musique.
Notre méthode n’est pas très différente de l’apprentissage de la langue chez les enfants. Avant de comprendre les finesses d’une poésie, nous avons commencé étant enfant à apprendre l’alphabet, les mots puis la construction de phrase. C’est la raison pour laquelle nous commençons dans notre école par l’acquisition et la compréhension des mécanismes d’écriture.
Il existe deux sortes d’exercices développant l’audition du musicien : ceux basés sur la lecture chantée et ceux qui reposent sur la dictée musicale. Ils sont complémentaires. La première technique est la plus utile au compositeur. En effet, celui-ci est toujours amené à chanter intérieurement ce qu’il écrit. Toutefois, les exercices basés sur la dictée musicale comme la reconnaissance d’intervalles mélodiques ou harmoniques sont également d’une grande utilité.
Comment donc travailler votre audition intérieure durant votre formation d’écriture ?
1) dans le cadre des cours
Afin de bien saisir la relation entre l’écrit et le sonore, il est important d’écouter vos exercices, après les avoir réalisés. Cela vous permettra de bien comprendre et de vérifier à quoi correspondent d’un point de vue sonore les techniques acquises. Vous aurez donc intérêt à écouter avec une grande attention chaque série d’exercices d’écriture effectuée. Mais attention, à ce stade, on ne modifie plus les travaux. Il est nécessaire en effet que je puisse savoir comment vous les élaborez et quelle est votre logique pour parvenir à votre résultat. Pour les exercices polyphoniques, un logiciel éditeur de musique peut être un bon outil de contrôle si vous ne jouez pas d’instrument à clavier. Selon les modules de cours, le travail de l’écoute peut différer car nous ne cherchons pas nécessairement à y percevoir les mêmes éléments musicaux. Lorsque vous lisez les observations de mes corrigés, écoutez les passages annotés avec attention en essayant de percevoir ce qui ne convient pas. Mes remarques ne sont pas simplement formelles, elles sont toujours d’ordre musical et on doit en percevoir le bien-fondé à l’écoute.
Voici quelques indications pratiques selon les différents modules :
- Mélodie
Une fois les exercices terminés, ne les modifiez plus et c’est le moment de les concrétiser en les chantant. N’oublions pas que ces techniques d’écriture mélodique sont avant tout destinées à l’instrument le plus délicat : la voix. Certes, il n’est pas nécessaire de chanter toutes les mélodies. Choisissez les exercices qui vous semblent les meilleurs. La mélodie doit vous sembler facile à chanter. Ce type d’exercice vocal doit vous permettre à terme de percevoir le rendu sonore de vos choix mélodiques (mouvements, intervalles, messages...) ou de vos recherches. La voix permet de percevoir parfaitement l’effort demandé par certains intervalles ou les successions d’intervalles difficiles. Essayez également de saisir à l’écoute les tensions et des détentes des lignes mélodiques. Toute nouvelle technique de mélodie étudiée pourra être ainsi vérifiée d’un point de vue sonore.
- Harmonie
C’est principalement sur les cadences que je vous demande d’abord de porter votre attention. Il est important de bien assimiler d’un point de vue sonore les différentes articulations cadentielles. Il est bon aussi de chanter la ligne de basse ou même, pour les plus avancés, de chanter intérieurement les deux voix extrêmes. En position fondamentale, la mélodie de basse permet à elle seule de percevoir les cadences et les degrés. Si vous écoutez les exercices à l’aide d’un éditeur ou si vous les jouez au clavier, marquez avec un point d’orgue le dernier accord des cadences pour bien les mettre en valeur. Comme en mélodie, on ne retouche pas les exercices réalisés, la phase d’écriture étant considérée comme terminée lorsque vous les écoutez.
- Schème
Chaque schème devra être chanté plusieurs fois, en commençant par sa tonique de référence, afin de bien percevoir ses difficultés et pour bien l’assimiler d’un point de vue sonore : intervalles difficiles, schème non identifiable modalement, mouvements mélodiques, etc.
- Contrepoint
Il faut dans un premier temps chanter la mélodie que vous venez d’écrire. Ce travail est identique aux exercices de mélodie. Pour les plus avancés, vous pouvez aussi essayer de chanter simultanément et intérieurement les différentes lignes mélodiques.
- Composition musicale
La manière de procéder est un peu la même que pour les schèmes : il faut bien se pénétrer du thème ou du sujet de votre pièce. Si l’on peut le chanter et le mémoriser aisément, c’est un acquis essentiel pour votre composition. Il gardera ces caractéristiques durant toute la pièce. Il faut d’ailleurs chanter intérieurement ou non, la pièce au fur et à mesure de son écriture. Mais là aussi, rappelez vous, ne cherchez pas à faire appel à votre audition pour construire et chercher vos idées. Vous éviterez ainsi de vous répéter et de ne pas progresser. Si vous écoutez votre pièce à l’aide d’un éditeur et que vous n’avez pas une bonne audition, prenez d’abord un tempo plus lent pour l’écoute afin de bien suivre l’écriture sans vous laisser déborder par le flot continu de la musique. N’hésitez pas à chanter les mélodies en même temps que l’éditeur les joue.
2) Parallèlement aux cours
Le chant est une technique des plus profitables à l’étude de l’écriture et de la composition. Une technique vocale de pointe n’est pas nécessairement indispensable. Il s’agit surtout en effet de pouvoir pratiquer la lecture chantée. Je vous conseille donc les exercices de solfège chantés. De nombreuses méthodes existent pour cela, progressives et efficaces. Vous pourrez constater que votre compréhension vous aidera beaucoup lors de cet apprentissage.
Des logiciels de solfège peuvent également être très utiles pour ce travail. J’ai testé notamment le logiciel libre « GNU solfège » très complet, qui peut parfaitement convenir. Il comporte de nombreuses fonctions, reconnaissance d’intervalles ou d’accords, chant, dictées, lectures...
Un conseil que je ne cesse de promulguer à mes élèves : écoutez la musique et suivez la sur la partition. C’est essentiel. Toutes les œuvres sont bonnes pour cela, qu’elles soient composées pour soliste ou pour le grand orchestre. Choisissez de préférence de grandes œuvres. Ce sont d’excellents exercices, très efficaces. De plus, ils vous apporteront une culture musicale indispensable aux cours de composition et vous ouvriront les premières portes de l’orchestration [1]. Il vous permettront aussi de vous habituer à associer l’écrit musical et le sonore. L’objectif étant, lorsque vous entendez une œuvre, de pouvoir percevoir simultanément son écriture.
C’est un travail sur le long terme qui peut prendre plusieurs années. Il ne faut surtout pas vous décourager si vous n’avez pas l’impression de progresser rapidement. Il n’est pas obligatoire de suivre le même rythme de travail que celui des exercices d’écriture. A vous de trouver celui qui vous convient le mieux. Mais rassurez vous, ce développement se fera nécessairement à la fois par la pratique de l’écriture et celles de l’écoute et du chant.
Pour développer votre oreille intérieure. nous vous proposons la version française Polyphonies de l’application de solfège de Ricci Adams, MusicTheory. Accessible dans la boite à outils de votre Bureau Virtuel, le logiciel développe un entraînement musical très complet (possibilité de choisir tous les paramètres des intervalles que l’on veut étudier, en fondamentale ou renversé, majeur/mineur, etc..)
Le logiciel « GNU solfège » est un logiciel libre que vous pouvez donc télécharger et utiliser gratuitement. C’est un excellent outil d’entraînement de l’oreille et de solfège chanté. Je le conseille à tous les élèves qui veulent améliorer leur écoute intérieure et pouvoir chanter leurs travaux. Il comporte de nombreux types d’exercices dont certains sont même paramétrables.
Je vous recommande de commencer à vous exercer sur la reconnaissance d’intervalles mélodiques, harmoniques puis sur le chant de ces mêmes intervalles. Pour vérifier si vous chantez correctement n’importe quel intervalle, vous pouvez effectuer un test avec des séries aléatoires de 12 tons : « Sing twelve random tones ». Le logiciel comporte également toute une section concernant les accords.
Développer son audition intérieure (I)
Développer son audition intérieure (II)
[1] Si l’on veut travailler l’orchestration, cette pratique est indispensable au quotidien.