Exercices de mélodie : les vérifier à l’oreille ou non ?
"Jusqu’à présent je m’efforçais de pouvoir chanter les mélodies des exercices avant de les vérifier éventuellement au piano. Ce travail d’audition intérieure est-il indispensable, ou peut-on se contenter d’une vérification en "mode graphique", quitte ensuite à écouter ce que ça donne au clavier, comme ce que vous conseillez pour les exercices d’harmonie ?
J’ai remarqué que ce travail "à la sourde" (comparable un peu à "l’écriture automatique") est intéressant et réserve des surprises (trop consciemment, j’ai tendance, comme je suppose tout le monde, à répéter sans vraiment m’en rendre compte des "formules" déjà entendues). Mais faut-il, dans le cadre de ces exercices, le privilégier ou au contraire essayer de tendre à la maîtrise consciente de ce que l’on écrit - donc toujours pouvoir chanter ces mélodies ? Lire la réponse
Vous avez parfaitement perçu et décrit la problématique ici :)
Écrire ces exercices en chantant intérieurement les mélodies vous amène effectivement à répéter ce que vous avez déjà entendu. En corrigeant les premiers travaux de mélodie, la différence entre ceux qui écrivent avec l’aide de l’audition et ceux qui ne le font pas est frappante :
Ceux qui chantent intérieurement ont tendance par exemple à écrire cinq fois la même mélodie, ou alors à cantonner la mélodie dans un même lieu de cheminement, généralement sans passer sous la tonique, ou alors à reprendre les mêmes éléments mélodiques.
Ceux qui ne le font pas ont généralement une écriture diversifiée, mais avec parfois des passages peu mélodiques, que l’on peut difficilement chanter. Mais ce n’est pas très grave, au contraire même, puisque je suis là pour les guider et leur faire prendre conscience de ce fait !
Il faut commencer par apprendre à voir la musique (par l’intermédiaire de l’analyse). Ce sera un atout précieux lorsque vous serez face à une partition d’orchestre de 30 ou 40 portées qui devra être évidente à la lecture.
Cette pratique vous fera gagner un temps précieux dans l’apprentissage.
Cela n’empêche pas de vous former à l’audition ; c’est la moindre des choses puisque la musique est faite pour être écoutée :)
Il faut donc jouer ou chanter vos exercices après les avoir écrits et sans y revenir (ce qui n’aurait pas d’intérêt). C’est à ce stade qu’il faut écouter (et chanter !) très attentivement ce que l’on a écrit, et s’interroger : qu’est ce qui est difficile ? Qu’est ce qui sonne bien ? Quel est l’effet d’un mouvement dynamique ? Quel est l’effet d’une appogiature ? D’une répétition à tel endroit ou à un autre ? On peut vérifier et comprendre beaucoup de choses ainsi...
De cette manière, vous n’écouterez plus une succession de notes, mais une musique qui a été pensé. Cela vous formera une autre audition et à terme, vous écouterez toute musique différemment.
article publié le mardi 13 octobre 2020 et lu 6208 fois.
Jean-Luc KUCZYNSKI est compositeur et professeur de composition musicale depuis 1988 aux ACM et depuis 1999 à l’école d’écriture et de composition Polyphonies.
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