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Improvisation et composition musicale (II)

Nous poursuivons la découverte de l’improvisation en abordant cette fois ses aspects pratiques. Par cet article, j’aimerai aussi susciter chez nos étudiants qui ne la connaissent pas le désir d’expérimenter cette discipline.

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- Improvisation et composition musicale (I)

- Improvisation et composition musicale (II)

Nous poursuivons la découverte de l’improvisation en abordant cette fois ses aspects pratiques. Par cet article, j’aimerai aussi susciter chez nos étudiants qui ne la connaissent pas le désir d’expérimenter cette discipline.

Cadres de l’improvisation

Les musique improvisées reposent généralement sur des cadres musicaux plus ou moins établis à l’avance. Il en est ainsi pour la musique classique et contemporaine, le jazz, le blues ou les musiques traditionnelles. Le free jazz et certaines musiques contemporaines, exprimant le désir de couper les ponts avec toute contrainte, échappent toutefois à cette nécessité grâce l’improvisation totale. En effet, dans ce type d’improvisation rien n’est établi à l’avance. La musique se crée dans l’instant et sans aucune concertation au préalable des musiciens ce qui leur demande en contrepartie une écoute particulièrement attentive des autres membres du groupe ou de l’ensemble musical.

Hormis pour ces deux exceptions, les cadres prédéfinis restent nécessaires pour toutes les musiques collectives. Ces cadres sont traditionnels et concernent généralement le plan formel de la pièce, son langage musical ou par exemple le rôle de chaque instrumentiste.

La forme musicale

Qu’elles soient classique ou jazz improvisées ou nom, nombre de pièces reprennent le plan formel type bien connu Exposition/développement/réexposition. Une musique de jazz commence souvent par l’exposition du thème. Sa partie centrale consiste en improvisations basées sur la mélodie et l’harmonie du thème. C’est la plus libre car elle est consacrée aux soli des instrumentistes. La fin de la pièce reprend la plupart du temps le thème, réarrangé ou non.

Des musiques comme le blues ou le rock [1] ont également des cadres bien définis, souvent proches de la chanson.

Les musiciens classiques avaient également une tradition d’improvisation basées sur des plans formels bien définis. Certains à l’instar de la fugue étaient particulièrement complexes mais d’autres comme la fantaisie ou la passacaille étaient plus simples et laissaient un espace de liberté plus grand au musicien.

En musique contemporaine, la forme des musiques improvisées correspond rarement à ce plan type. Les compositeurs inventent même souvent un plan formel différent pour chaque pièce. La « forme ouverte » est une structure musicale proche de l’improvisation par laquelle la musique varie selon les choix des instrumentistes. Ainsi à chaque concert, peut être créée une pièce différente. Des règles, des codes ou canevas plus ou moins précis sont proposés par le compositeur à l’interprète qui lui laissent une relative liberté d’intervention sur la musique.

Le langage musical

Chaque musique a son langage musical propre. Si l’on improvise, il faut tenir compte de règles harmoniques, mélodiques ou rythmiques propre à ces musiques. Les musiciens qui improvisent se doivent de les connaître parfaitement. En effet, un musicien classique n’ayant aucune connaissance de l’harmonie jazz, de l’emploi des modes ou des rythmiques propres à cette musique s’avérerait incapable d’improviser dans ce style même s’il possède une technique instrumentale de virtuose. L’inverse est vrai. Un musicien de jazz n’ayant pas une formation de composition suffisamment poussée ne pourrait pas improviser de fugue.

Outre l’harmonie, une bonne connaissance des différents modes de la tonalité est nécessaire auxquels on peut ajouter pour le blues ou le rock, les modes pentatoniques.

Les styles rythmiques différent beaucoup d’un genre musical à l’autre. Le jazz par exemple est une musique en partie d’origine africaine, ne l’oublions pas. Une bonne culture musicale est donc toujours nécessaire dans tous les styles de musique.

Rôle des instruments

Dans une musique improvisée collectivement, les rôles des musiciens sont naturellement répartis à l’avance. En jazz, il s’agit généralement de l’accompagnement, des solistes ou de la section rythmique. Toutefois, ces fonctions aux sein de l’ensemble musical ne sont pas nécessairement cloisonnées, un musicien pouvant très bien passer de l’une à l’autre.

Improvisation et analyse

Savoir écouter, analyser et comprendre tout en étant parfaitement à l’aise avec son instrument sont les qualités nécessaire à l’improvisation. Lorsque nous posons nos mains sur l’instrument, celles ci trouvent automatiquement leurs positions habituelles. Dans un premier temps, la musique qui en découle consiste généralement en une reproduction d’idées ou de phrases types déjà entendues, sauf bien sûr lorsque l’inspiration suprême est au rendez-vous . L’écoute simultanée va guider la musique vers un ailleurs musical et amener peut être des idées musicales différentes. La « fausse-note » due à un erreur de doigté peut s’avérer source d’enrichissement [2] mélodique, harmonique ou rythmique si elle est exploitée avec suffisamment d’inspiration.

Une bonne analyse ou compréhension des idées musicales qui surviennent est un atout lorsque l’on improvise. Elle évite de retomber dans des « clichés » musicaux ou de reproduire des idées musicales toutes faites. Elle n’empêche nullement de jouer de manière intuitive selon l’inspiration du moment.

Savoir écrire ou composer est aussi un atout supplémentaire. Ils n’est pas surprenant que des grands musiciens de jazz comme Miles Davis ou Chick Corea, aient fréquenté des cours d’écriture notamment à la fameuse Juilliard School de New York. Un grand guitariste comme Jimmy Hendrix songeait également à prendre des cours de contrepoint peu de temps avant que sa mort ne survienne brutalement.

Et si l’on s’y essayait...

L’improvisation vous tente. Pour vous mettre en situation, vous pouvez essayer des petits exercices d’improvisation à partir des techniques d’écriture de notre formation. Vous connaissez les cadres, ils sont définis à l’avance. Ce peut être un cheminement mélodique, un exercice d’harmonie ou de contrepoint. Pour les étudiants des cours de composition, ce peut être l’improvisation d’une pièce comme un menuet dont la structure est relativement simple. Nous laisserons de côté pour l’instant la fugue :-).

L’improvisation en jazz ou en blues nécessite comme nous l’avons plus haut une connaissance des règles propres à ces musiques, comme son harmonie spécifique pour le jazz ou les modes pentatoniques pour le blues. Elles ne sont pas particulièrement complexes mais demandent une travail intense sur l’instrument ainsi qu’une bonne culture musicale.

On peut aussi improviser dans le but de chercher des idées musicales. Ce peut être en effet une première étape vers la composition ou un travail préparatoire à une improvisation plus structurée.

Pour finir, un dernier mot sur l’improvisation libre. Pour l’avoir pratiquée dans ma jeunesse ;-), j’estime que cette expérience est très enrichissante, surtout collectivement. De plus, elle n’a pas besoin de cadres prédéfinis et l’on peut improviser dans le langage musical que l’on possède le mieux.


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- Improvisation et composition musicale (II)

Notes

[1] Toutefois avec leur pratique de l’improvisation libre, certains groupes de rock progressif des années 70 avaient une démarche très proche de celles du free jazz ou de la musique contemporaine.

[2] C’est probablement de cette manière qu’ont été découvertes et réutilisées à des fins expressives les dissonances, notamment celles que l’on place au posé.

    Jean-Luc KUCZYNSKI
    Jean-Luc KUCZYNSKI est compositeur et professeur de composition musicale depuis 1988 aux ACM et depuis 1999 à l’école d’écriture et de composition Polyphonies.
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