Le blog de Polyphonies, �cole � distance d’�criture musicale et de composition.

Les B�atitudes de CESAR FRANCK : 2�me partie (B�atitudes de 1 � 4)

Apr�s avoir aper�u, dans la premi�re partie de ce dossier, de quelle mani�re les B�atitudes se situent dans l’histoire de l’Oratorio, abordons directement chacunes d’elles. Nous conseillons � nos �l�ves de se munir de la partition et du livret. Lire l’article

SOMMAIRE :

Les B�atitudes de CESAR FRANCK : 1�re partie (pr�sentation g�n�rale)
Les B�atitudes de CESAR FRANCK : 2�me partie (B�atitudes de 1 � 4)
Les B�atitudes de CESAR FRANCK : 3�me partie (5�me et 6�me B�atitudes)
Les B�atitudes de CESAR FRANCK : 4�me partie (7�me et 8�me B�atitudes)

LIENS UTILES :

Partition gratuite : Les B�atitudes (Franck, C�sar) - IMSLP

Livret de Mme Colomb 1881 (sur Galicca - biblioth�que num�rique)

Prologue et 1�re B�atitude

D�s le d�but du Prologue, un motif monte du grave des violoncelles, qui va servir non seulement de fil conducteur ou de th�me cyclique � travers toute l’œuvre, mais de signal � l’arriv�e de chaque message des B�atitudes. Il soutient et accompagne la voix du Christ. Le motif du prologue devient la m�lodie m�me du chant � la 3e, 6e, 8e B�atitude : << Heureux ceux qui pleurent >> (3e),<< Heureux les cœurs purs >> (6e), << Venez les b�nis de mon P�re >> (8e). C’est donc un motif au sens primitif de soutien musical du mot. Il est constitu� de 4 notes ascendantes conjointes et d’un saut de quinte descendante. Il appara�tra soit en contre-temps comme ici (a), soit sur le temps. Pour plus de clart�, j’appellerai ce motif, le motif des B�atitudes.

Accompagnant ce motif, plusieurs contre-motifs : le premier (b) de deux notes conjointes � intervalles chromatiques, tendres et plaintives, le second (c) d’une descente arp�g�e, l�g�re et passionn�e. Ainsi apparaissent deux expressions propos�es par le texte : la mis�re de l’homme et la r�ponse du ciel.

Cette �vocation du ciel est confi�e � deux autres motifs << cons�quents >>, et eux-m�mes s’opposant l’un � l’autre : le premier (d) dans une affirmation ascendante sur les notes-pivots de DO # majeur, le second (e) dans une gamme descendante plus consolatrice.

Ainsi, une s�rie d’oppositions dans le dessin m�lodico-rythmique (contraste qui existe � l’int�rieur m�me du motif des B�atitudes) indique assez bien un effort et une chute, une tension � la fois aimante et souffrante, que l’on retrouvera dans l’expression de chaque message des B�atitudes.

La 1�re B�atitude : << Heureux les pauvres en esprit >>, applique sans tarder le syst�me antith�tique, en lan�ant le chœur terrestre dans une cavalcade de triolets (a) contre-motif d’un motif fuyant (b) d�crivant la poursuite de la richesse, par les partisans de l’anti-b�atitude.

Succ�dant aux t�nors et aux basses, les sopranos dansent sur un rythme de 6/8, << Au sein du plaisir (a) et de la richesse (b) Une �pre tristesse (a’), remplit notre cœur (b’)" en prenant bien soin d’alt�rer la 2�me partie par des quintes diminu�es et un mouvement descendant.

M�me avec ce souci de coller aux mots du po�me, qui se manifestera dans l’ensemble de l’œuvre, il faut le dire tout de suite, le pi�ge du syst�me se referme autour de la volont� descriptive de Franck. Aucun drame authentique ne surgit de cette f�brilit� qui ressasse le texte, longuement, avec reprises comme dans l’ancienne coupe de l’aria.

C’est avec soulagement que l’on entend le motif des B�atitudes introduire la voix du Christ sous le contre-motif (c) du prologue. Sur un l�ger balancement rythmique (d) se proclame le message : " Heureux l’homme �pris des biens v�ritables ", avec la quinte descendante du motif des B�atitudes en s’affirmant majestueusement. Franck y retrouve sa jubilation int�rieure si particuli�re.

Le chœur c�leste reprend ce th�me, d’abord en choral, puis en sujet de fugue montant des basses aux sopranes, et qui atteint le sommet de sa tension gr�ce au chromatisme, jusqu’� l’apaisement de la fin.

Deuxi�me B�atitude

La 2�me B�atitude : << Heureux ceux qui sont doux>> est illustr�e dans son introduction, par un motif au hautbois (a) calme et modeste, ant�c�dent d’une autre id�e aux violons (b) qui fr�mit de passion contenue, et qui va se briser sur trois accords de sixte napolitaine (c).

Un petit d�veloppement sur ces deux motifs, accentue encore leur contraste, et cr�e un climat assez sombre.

Le chœur terrestre encha�ne sur un long th�me repris en sujet de fugue, par chaque voix, des basses aux sopranes. Puis le motif (a) est pris dans la tourmente de figures rythmiques de plus en plus furieuses (d) tandis que le th�me �clate dans toutes les voix. Suit une lamentation : << Pauvres humains >> un peu larmoyante, mais d’une belle sonorit�, avec ses quatre solistes dialoguant avec le tutti du chœur.

Ici encore, la longueur du d�veloppement amoindrit l’int�r�t que l’on peut prendre � cette complainte. Le motif des B�atitudes accompagnant l’arioso de la voix du Christ, souffre de ce voisinage et accuse une disproportion avec ce qui pr�c�de. Il conclut sur la tendre descente (e) du prologue.

Troisi�me B�atitude

C’est dans la 3�me B�atitude : << Heureux ceux qui pleurent >>, que l’on a le droit de se montrer le plus perplexe, face au tableau "saint-sulpicien" du po�me de Mme Colomb. Une procession s’�branle : << Reine implacable/� douleur etc. >> dans le go�t h�ro�co-fun�bre de l’�poque (qui n’a rien � voir avec la magnifique << pi�ce h�ro�que >> pour orgue de 1877.) Suit une petite mise en sc�ne o� une m�re, un orphelin, un �poux et une �pouse, pleurent � tour de r�le, un �tre cher disparu pr�matur�ment. M�me si l’orphelin est parfois �mouvant, on ne peut que rester insensible devant tant de simplisme, � la fois litt�raire et musical. La marche fun�bre reprend comme un refrain. Puis s’agitent les esclaves, et les penseurs plus grandiloquents que nature, avant de retrouver, de plus en plus fracassante, cette << reine implacable >> qui ne cesse de distiller pendant un long moment, un implacable ennui.

C’est l� que, pour la 1�re fois, le motif des B�atitudes devient la m�lodie de la voix du Christ : << Heureux ceux qui pleurent car ils seront consol�s >> . Le chœur c�leste r�p�te le message sur un d�licat balancement harmonique et une d�coration arp�g�e en double-croches (a) et (b). Ce chœur a au moins le m�rite de nous restituer la foi simple et vraie de Franck.

Notons seulement que ce th�me (b) n’est que la reprise en majeur du th�me en mineur de la << reine implacable >>.

Quatri�me B�atitude

Une autre consolation, mais du point de vue musical, nous attend dans la 4�me B�atitude : << Heureux �eux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasi�s. >> Une aria confi�e au t�nor va remplacer pour notre bonheur, le chœur d’en bas... une aria compl�tement lib�r�e de la forme baroque. La longue introduction orchestrale oppose les deux parties du message. D’abord, l’expression d�sol�e de la faim et de la soif de justice, puis un �tonnant climat paradisiaque �voquant la promesse du rassasiement.

Le premier motif ant�c�dent (a) sur un rythme haletant (b) aux intervalles distendus, est suivi d’un cons�quent (c) encore plus �cartel� et douloureux.

L’ant�c�dent (a) prend une figure d�sesp�r�e (a’) et aboutit � une coda qui peut �tre ressentie comme un cri d’angoisse (d).

A ce cri r�pond un prodigieux moment musical, d’une inspiration d�bordante dans laquelle la sensibilit� et la spiritualit� sont intimement m�l�es, et cela gr�ce � un simple motif (e) de trois notes nourries d’harmoniques aid�es aux violons, se reposant sur une tendre ondulation (f).

Apr�s des instants de supr�me tension, les motifs (c) et (a) puis (a’) et (d) et (c) ei enfin (f) se parent des couleurs les plus chatoyantes, pour enfin s’�taler avec (e) et accueillir le chant du t�nor.

Malgr� un texte assez plat, le chant se d�veloppe souverainement, accompagn� par l’ensemble des motifs. << Viens ! Viens ! >> crie le t�nor, et c’est l’extase, jusqu’au silence.

Introduite par le motif du rassasiement (e), la voix du Christ se repose sur un balancement d’accords de septi�me, comme sur un lac de lumi�re (g) tandis que le motif des B�atitudes, s’y refl�te trois fois en v�ritable apparition r�confortante.