En réalisant nos premiers exercices sur le mode, certains élèves font parfois un raccourci erroné. A partir de l’armature de l’exercice, ils déduisent simultanément le mode et la tonalité affirmant par exemple qu’un exercice dont l’armature comporte un # à la clé, est en sol majeur. Or, l’armature indique la tonalité et non le mode. D’autres éléments musicaux sont nécessaires en effet pour le définir. Avec la seule armature comme indication, un # à la clé par exemple, nous pouvons simplement affirmer que nous sommes en tonalité de sol mais surtout pas que la tonalité est sol majeur. Un petit point sur ces deux notions, mode et tonalité, sera à mon avis source d’éclaircissement. Ce sera aussi l’occasion pour nous d’aborder la notion d’atonalité. Lire la réponse
En réalisant nos premiers exercices sur le mode, certains élèves font parfois un raccourci erroné. A partir de l’armature de l’exercice, ils déduisent simultanément le mode et la tonalité affirmant par exemple qu’un exercice dont l’armature comporte un # à la clé, est en sol majeur. Or, l’armature indique la tonalité et non le mode. D’autres éléments musicaux sont nécessaires en effet pour le définir. Avec la seule armature comme indication, un # à la clé par exemple, nous pouvons simplement affirmer que nous sommes en tonalité de sol mais surtout pas que la tonalité est sol majeur. Un petit point sur ces deux notions, mode et tonalité, sera à mon avis source d’éclaircissement. Ce sera aussi l’occasion pour nous d’aborder la notion d’atonalité.
Prédominance du mode majeur
Nous savons que dans notre tradition musicale, chaque tonalité comporte sept modes. Nos exercices consistent justement à les rechercher dans chaque tonalité. Le mode majeur est le premier des sept modes de la tonalité. En tonalité de sol, il peut être appelé sol majeur mais cette appellation sous-entend à la fois le mode et la tonalité. nous pourrions dire aussi qu’il est le « majeur de la tonalité de sol [1] ».
Au long des siècles, le mode majeur a peu à peu acquis une prépondérance telle que la confusion entre mode et tonalité en devient presque inévitable. Le mode mineur lui-même, celui que l’on appelle le mineur modal [2] a été modifié pour être structuré comme le mode majeur, devenant le mineur harmonique. Il lui a été accordé la possibilité d’une sensible distante d’un demi-ton, afin que l’harmonie cadentielle puisse y avoir cours comme en majeur. Il est devenu un polymode relevant à la fois du majeur et du mineur selon la relation mélodique entre ses VIème et VIIème degrés.
Cette prépondérance du majeur, appelé « tyran majeur » par certains théoriciens, a été telle qu’il a presque totalement éclipsés les autres modes. Ceux-ci ont néanmoins retrouvé grâce auprès des compositeurs du début du XXème siècle.
Le mode : organisation
Le mode est un système musical que l’on peut dire universel [3]. Issu du système diatonique et probablement présent dès l’origine de la musique, il s’est perpétué à travers les siècles et les cultures musicales.
Il ne faut pas confondre le mode avec une échelle de notes ou une gamme [4] Il se caractérise avant tout par son organisation, c’est-à-dire la hiérarchie et la relation des notes entre elles qui peuvent totalement différer en effet d’un mode à l’autre, selon le type ou le genre musical. Toutefois, tous les modes ont un point commun : leur articulation autour d’une note prédominante que l’on appelle la tonique.
Les modes complexes du plain-chant [5] illustrent parfaitement la richesse de la modalité. Chacun d’eux a sa propre structure et sa propre organisation donnant un ensemble de modes particulièrement diversifié. Chaque note a un rôle plus ou moins important dans le mode. La tonique, ou fondamentale est la finale. Elle est la dernière note de la mélodie, point de repos final. La teneure correspond un peu à notre dominante mais sa position sur les degrés du mode peut être très variable. D’autres notes ont également des fonctions particulières, comme les cordes de récitation, ou les notes qui participent à différentes cadences et qui ne sont pas nécessairement la tonique ou la dominante.
A travers les époques et les cultures musicales, l’organisation modale présente une grande diversité. Ainsi, en musique classique et dans la chanson populaire française, la tonique est centrale et équilibre le mode. Dans certaines chansons celtiques, elle se situe au sommet alors que dans le raga hindou, elle en constitue sa base, sa véritable fondamentale [6]. La relation entre les notes modes et leur organisation, très différente selon chacun d’eux est souvent très riche.
La tonalité diffère en ceci du mode est qu’il n’y pas de hiérarchie entre les notes qui la composent. C’est une transposition, ou imitation du système diatonique à différentes hauteurs. On peut donc la considérer comme une simple échelle de notes ou une gamme à partir de laquelle nos sept modes peuvent être établis.
La tonalité ne doit son existence qu’à la transposition du système diatonique sur une autre hauteur. Nous avons vu, dans nos premiers cours d’écriture, qu’une nouvelle tonique est venue s’ajouter aux sept autres du système. Il s’agit du si bémol [7], qui a permis de contourner l’intervalle de 4+ ou 5- du système diatonique, le fameux « Diabolus in musica ». Cette huitième tonique a généré un nouveau système diatonique de sept sons identique au système initial, offrant ainsi la possibilité de deux tonalités comportant chacune ses sept modes [8]. Puis, les autres tonalités sont venues s’ajouter peu à peu, toujours après avoir évité ce même « Diabolus ».
Notre système musical est devenu peu à peu un ensemble de douze tonalités [9] servant de base en principe à sept modes, mais dont un seul a vraiment émergé, le majeur. A noter d’ailleurs, que dans toute l’histoire de la musique, aucun compositeur n’a réellement chercher à exploiter les possibilités qu’offrirait un système de 12x7 modes.
A la fin du XIXème et au début du XXème siècles, de nouvelles théories musicales ont vu le jour donnant naissance à d’autres types d’organisation : l’atonalité, le dodécaphonisme et le sérialisme.
Si l’on reste logique, le terme atonalité est impropre. Celui d’amodalité conviendrait mieux. On considère généralement qu’une musique est atonale lorsque la tonalité n’y est pas déterminée. Nos théoriciens parlent de l’absence des éléments caractéristiques de la tonalité mais qui en fait, sont ceux qui déterminent le mode : hiérarchie et organisations modale ou harmonique.
Une composition atonale ne repose pas sur le langage harmonique classique. Il n’y a pas de mode, ni de tonalité définies et on peut y utiliser librement les douze notes chromatiques. Des compositeurs comme Scriabine, Stravinsky, Schoenberg ont composé des musiques atonales.
Au début du XXème siècle, le compositeur autrichien Arnold Schoenberg a mis au point un système d’écriture très rigoureux, organisant la composition musicale avec les douze notes chromatiques. Il s’agit du sérialisme. Une série de douze notes chromatiques, avec ses différentes imitations, sert de base à la composition de la pièce musicale. On appelle également cette technique d’écriture : « dodécaphonique [10] ». Dans les années 30, Schoenberg et ses disciples Alban Berg et Anton Webern furent les pionniers de la musique sérielle.
[1] En tonalité de sol, les sept modes seront : sol majeur, la neutre, si mineur (véritable mineur, à ne pas confondre avec le VIème mode, le mineur modal), do +majeur, ré -majeur, mi - mineur (ou mineur modal qui est devenu par la suite le mineur harmonique) et fa# + mineur.
[2] VIème de la tonalité dont aucune note n’est altérée et que dans notre dénomination pédagogique des 7 modes, nous appelons le - mineur.
[3] Tout comme le système diatonique et les trois intervalles consonants qui le structurent : octave, quinte et quarte. Ces intervalles reposent sur des rapports mathématiques : octave ½, quinte 2/3 et quarte ¾. Leurs proportions génèrent une mesure parfaite permettant d’accorder tout instrument de musique. On peut y voir là, très certainement, la source de leur universalité.
[4] En grec, échelle se traduit par gamma.
[5] Que l’on appelle aussi le chant grégorien. Il s’agit des premières musiques occidentales écrites, composées par des moines du X au XIIème siècles environ. Ces modes ont des noms latins, protus, deuterus, tritus, etc.. Par la suite, les théoriciens du Moyen-âge leur ont attribué des noms grecs : dorien, hypolidien, phrygien, etc.
[6] La position de la tonique dans le mode est essentielle car elle décide des points de départs et d’arrivée de la mélodie, et par conséquent également de son cheminement.
[7] Bémol signifie d’ailleurs B (nom anglo-saxon de la note si) abaissé.
[8] Il s’agit ici des tonalités et de fa.
[9] Si l’on tient aux 7# et 7 b à la clé, autrement leur nombre pourrait être infini.
[10] Désigne une musique composée à l’aide des douze notes chromatiques, comme la musique sérielle. Toutefois, une musique sérielle n’est pas nécessairement dodécaphonique et une musique dodécaphonique n’est pas obligatoirement sérielle.