Jean-Jacques BONAFOUS a achevé l’ensemble du cycle master voilà déjà plusieurs mois : nous ne pouvions passer sous silence cet événement tant son parcours musical est remarquable. Il est celui d’un autodidacte résolu, et d’une insatiable curiosité. Elève de POLYPHONIES depuis août 2003, il a patiemment gravi les 18 sessions que compte le cycle master... après sa retraite ! Lire l’article
Quelles ont été vos premières expériences musicales ?
Jeune enfant, en début de secondaire vers 11 ou 12 ans, les cours de musique, au début des années 1950, se résumaient en lecture chantée des notes et en dictée musicale ; ces cours étaient repris, en ce qui me concerne, en particulier, par le maire du village. Pas d’instrument. Pénible, décevant, d’autant plus que je n’aime pas chanter (je préférais l’ancienne de la table de multiplication). Puis c’est la découverte dans les années 1970 de la HI FI et ainsi de Mozart,Beethoven, Bach, ... et depuis cette découverte n’a pas cessé (car il faut bien le dire toute nouvelle écoute des maîtres conduit à une découverte nouvelle).
Votre soif de connaissances ajoutée à quelque challenge ont fait de vous, sur le tard, un musicien atypique. L’âge, non seulement n’a pas démenti votre curiosité intellectuelle, mais semble même l’avoir renforcée !
Après la prise de ma retraite d’ingénieur, en 1999, et après le suivi de 2 maîtrises en biologie et physiologie, je découvre Finale et grâce à un petit expandeur j’écris quelques partitions au feeling, comme l’on dit de nos jours. L’une d’elle a été jouée dans une église lors du mariage de ma fille et grâce à la gentillesse de l’organiste. Cependant, je sentais bien qu’il me fallait canaliser mon imagination (stimulée par la nature, vent pluie, ...) et que ma découverte musicale était très insuffisante. Je ne connaissais pas le solfège, l’harmonie et du mot contrepoint je ne savais que le sens littéraire. Les livres d’harmonie étaient difficilement compréhensibles.
Il est vrai que vous aviez le profil d’élèves idéal ! : l’envie de comprendre "comment ça marche", l’envie d’écrire, tout en constatant que des outils manquent pour exprimer son ressenti... votre vocation de compositeur était née, et nous nous sommes rencontrés au bon moment !
Nouvelle découverte, une annonce de l’école de composition Polyphonies dans la revue diapason. Coup de téléphone à Jean-Luc auquel j’expliquai mes désirs et combien j’étais profane en matière de technique musicale. Jean-Luc me rassure et m’envoie le premier disque d’essai. Je l’ai écouté et réécouté avec grand intérêt et les exercices qui ont suivi m’ont paru alors pas très difficiles. Me voilà parti pour 7 années de découvertes, de travail, d’énervement parfois parce que je ne me faisais pas comprendre, incompréhension qui en fait venait d’une compréhension partielle et patiemment Jean-Luc éclairait différemment le sujet jusqu’à une totale perception. Bref un apprentissage parfois difficile mais combien enrichissant grâce à un pédagogue qui sait offrir au béotien la connaissance d’un art complexe qu’il a intériorisé complètement (merci Jean-Luc).
De notre côté aussi Jean-Jacques, ces années d’accompagnement nous ont permis d’éprouver l’efficacité de notre méthode et d’affirmer notre démarche pédagogique, mettre au point de nouveaux outils aussi. Cela n’était possible qu’avec toute l’assiduité dont vous avez fait preuve !
J’ai vu cette école grandir, peu à peu passer des échanges postaux au support internet , dont les élèves aux 4 coins de la planète (ou presque), se retrouvent pour des échanges « dans la cour de l’école » grâce au forum, la création d’un journal que la plume de Joëlle rend si agréable en apportant des éclairages nouveaux aux chapitres du cours et toujours des ramifications nouvelles : « facebook », etc. ... Voilà, ma formation en composition est achevée, à moi de remplir les pages blanches sans le secours du maître.
Mais il y avait un manque : je ne pouvais pas jouer la musique, la mienne et celle des autres. Il y a 3 ans j’ai décidé d’apprendre un instrument mais à 70 ans mes performances manuelles me paraissaient insuffisantes pour exécuter les centaines (sinon les milliers) d’heures nécessaires à l’apprentissage.
... encore un challenge ! et comment l’avez-vous relevé ?
Je me suis tourné vers l’harmonica d’abord diatonique dont les notes altérées (certes du plus bel effet) ne me paraissaient pas très justes (tout au moins à mon niveau). Je me suis donc tourné vers l’harmonica chromatique qui me permettait d’interpréter quelques partitions classiques simples.
Voilà comment l’on devient compositeur et multi-instrumentiste après sa retraite, alors que l’on détestait le solfège à 10 ans !
Il y a 7 mois, dans un brocante, j’ai acheté une clarinette de 50 ans pour quelques euros. Après avoir enrobé les lièges avec de la bande téflon elle jouait. Mais renseignement pris, il s’agissait d’une clarinette système Albert employée par les jazzmen comme Sidney Béchet mais pas enseignée en France. Je me suis donc procuré une clarinette d’occasion système Boehm. Puis j’ai réussi (non sans mal mais les années de composition y ont aidé) à entrer au conservatoire de ma région où j’apprends la clarinette (et parfois je compose une petite pièce que j’ai un peu de mal à jouer).
Merci Jean-Jacques pour cette belle leçon de vie !
"Pour cette dernière pièce des cours, la liberté de composition est « totale » à condition de respecter l’esprit de la composition contemporaine, c’est-à-dire avoir trouvé les idées, les avoir travaillées avant d’écrire la première note. Ici l’idée de base est une structure périodique. C’est évidemment la sinusoïde, constituant intrinsèque de tout son. Ce choix conduit à donner à la partition une forme graphique (visuel et sonore se rapprochent). Mais sur le plan sonore ce sont les vagues, le flux et le reflux, le mouvement des planètes (bien qu’il ne soit pas très sonore !?). Le premier cycle a été construit à partir d’une série comportant des intervalles réduits et 3 récurrences (rappelant un mouvement périodique). Le rythme est souligné par la contrebasse pour l’alternance « positive » et le piccolo pour l’alternance « négative ». Le second cycle n’emploie pas la musique sérielle mais la polytonalité, le polymode avec des schèmes très courts et répétitifs. Cette pièce s’achève par une convergence 4 instruments par 4 instruments vers la portée de clarinette en sib qui a tenu le rôle central autour duquel s’équilibre les vents et les cordes. La pièce s’achève par un rappel de la série." Jean-Jacques Bonafous, janvier 2012.