La 5ème Béatitude : "Heureux les miséricordieux" contient dans son introduction, une riche et habile idée : l’imitation contraire du motif des Béatitudes, avec son contre-motif du prologue. Au lieu d’une tension et d’une chute, le motif inversé suggère un écoulement et un effort, proche de celui qui est proposé dans le thème du 1er choral pour orgue. Lire l’article
SOMMAIRE :
Les Béatitudes de CESAR FRANCK : 1ère partie
Les Béatitudes de CESAR FRANCK : 2ème partie (Béatitudes de 1 à 4)
Les Béatitudes de CESAR FRANCK : 3ème partie (5ème et 6ème Béatitudes )
Les Béatitudes de CESAR FRANCK : 4ème partie (7ème et 8ème Béatitudes )
LIENS UTILES :
Contrairement à ce thème en mi majeur, complètement pacifié, le motif de la 5ème Béatitude nous replonge dans la tristesse de la misère, que seul peut vaincre l’esprit miséricordieux. Le chant du ténor est aussi très proche de celui du prologue mais en continuant d’en inverser le mouvement.
Le chœur terrestre fidèle à son esprit, s’envole dans une espèce de chevauchée fantastique, de fière allure, militante comme il se doit (a)(b)(c) même si elle est loin d’atteindre le niveau de celle de Méphisto dans la "Damnation de Faust", de Berlioz.
Là encore, l’intérêt tombe, à cause de la longueur. Le choc du drame, à plus forte raison, le choc de la terreur, agit par sa brièveté, alors que Franck se croit obligé de répéter, en réduisant sensiblement son effet.
Ici, on ne peut pas dire non plus, que la force habite la voix du Christ ; le motif des Béatitudes n’est énoncé que deux fois. Par contre, le chœur céleste, comme dans la 3ème Béatitude, nous émeut par sa simplicité de cantique populaire.
L’"ange du pardon" a des accents de choral luthérien surtout lorsqu’il prédit : << et quand le tout-puissant viendra... >> et, sur des guirlandes de triolets, prèche la confiance et l’humilité de cœur. Le chœur céleste reprend son thème, à 4 voix, en ré majeur, avec une brusque modulation en fa majeur, modulation par tierce, caractéristique de la modulation chez Franck, comme on le verra dans la prochaine Béatitude.
La 6ème Béatitude : << Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu >> est toute imprégnée, dans son introduction, de passion inquiète et contenue. Le motif principal (a) nous le connaissons déjà, ainsi que le contre-motif (b). Il se trouve dans la 4ème Béatitude : c’est le conséquent (c) réduit à ses 3 premières notes, moins écartelées. Le contre-motif est celui plus allongé (b) du prologue. La tonalité de sib mineur est totalement gommée par l’imitation de ces deux idées en modulation constante par seconde.
D’autres figures enrichissent le motif principal (c) et (d) pleines d’émotion et amenant un rythme de croche-pointée, double-croche, légèrement dansant (c). Le do bémol infléchit par sa présence presque obsédante, le petit développement nourri de tous ces éléments.
C’est sur ce rythme délicat que vient se plaindre le chœur des femmes païennes, en mouvement descendant, nostalgique à souhait sous un léger voile d’orientalisme.
Les femmes juives chantent au contraire, sur un mouvement ascendant, avec des figures d’élévation dans l’accompagnement (e) voulant montrer sans doute leur supériorité religieuse sur les femmes païennes. On retrouve l’inflexion du do bémol sur << Dieu d’Israël >>. Les 2 chœurs ensuite se superposent en gardant leur caractéristique propre.
Les pharisiens vont donner une note plus masculine par des figures rythmiques plus oppressées, exprimant la superbe et la détermination que l’on attribue à ce parti religieux. Le développement se tend jusqu’à la proclamation orgueilleuse de leurs mérites justifiant la récompense du ciel. Mais << l’ange de la mort >> impose sa présence autoritaire, dans un récitatif large et dramatique, rappelant les personnages wagnériens des << lieux d’en bas >>, avec une sonorité de cordes et de cors ; tout l’orchestre éclate sur l’évocation du << souverain roi >>.
Le ciel s’entrouve par la magie du compositeur, sur un chœur d’enfants, un moment sublime qui vaut à lui seul le détour, et dont je ne résiste pas au plaisir de retranscrire le chant.
La << pureté >> et la simplicité de cette mélodie n’empêche pas sa complexité. La première partie respecte la modalité mineure ancienne dans son harmonisation (a). La deuxième partie (b) est un exemple de l’art de moduler chez Franck préférant comme ici, la modulation par tierces plutôt que celles plus voisines, par quintes ou par quartes : << Approchez avec confiance >>... passe de si majeur à sol majeur, puis en fa mineur et fa majeur, parcours très fréquent qui donne une couleur très particulière à l’écriture franckiste.
La voix du Christ intervenant aussitôt, magnifie le motif des Béatitudes : << Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu >>. On peut risquer une réminiscence et une comparaison, même si elle est une pure coïncidence, avec l’arioso de la consécration du pain (n°17) dans la Passion selon St Matthieu de Bach. La 1ère partie sur << Nehmet esset, prenez et mangez... >> est pareillement construit sur 4 notes conjointes ascendantes se terminant sur une chute de quinte. Comment ne pas voir la même communion au mystère évangélique chez deux grands artistes chrétiens ?
Le chœur céleste reprend le chant des enfants en le plaçant d’abord au ténor. Celui-ci est relayé par les basses qui le chantent jusqu’à la fin. Puis après avoir ré-entendu la voix du Christ redire le message, les sopranos y communient avec ardeur en reprenant entièrement le chant des enfants et en le chargeant avec les autres voix d’une intense émotion spirituelle : << O mes frères... venez à nous... ! >>
SOMMAIRE :
Les Béatitudes de CESAR FRANCK : 1ère partie
Les Béatitudes de CESAR FRANCK : 2ème partie (Béatitudes de 1 à 4)
Les Béatitudes de CESAR FRANCK : 3ème partie (5ème et 6ème Béatitudes )
Les Béatitudes de CESAR FRANCK : 4ème partie (7ème et 8ème Béatitudes )