Le dernier album de notre élève Yves Ribis, guitariste et compositeur du groupe "ARZ NEVEZ" est sorti ! "Canntaireachd", savant mélange de thèmes celtiques, transposé en cordes par un réel travail d’écriture, de composition et d’arrangement. Le son reste acoustique mais étonnamment moderne" lit-on dans la presse. Nous lui avons proposé de nous en dire quelques mots, en abordant sa musique sous l’angle de l’écriture... Lire l’article
Qu’avez-vous introduit dans vos nouvelles compositions, par exemple dans "Kimiad" qui s’écarte de l’harmonie habituelle folk, ou "Menez" au relents jazzy ; pouvez-vous nous en dire un mot ?
"D’une façon générale, je pars d’une mélodie traditionnelle. Soit, je la garde telle quelle, soit j’analyse la mélodie et j’en fabrique une autre plus à mon gout. A partir de là, je trouve une ligne de basse... et j’essaye de trouver un "groove" comme je l’ai fait pendant des années quand j’étais guitariste de jazz-rock. Pour "Arz Nevez" cette ligne de basse est jouée par le violoncelle. La guitare et l’alto peuvent se joindre au violoncelle ou jouer des parties differentes, plus mélodiques. Le violon a un peu le rôle des guitaristes des groupes des années 70/80 !...
Pour l’harmonie , j’essaye d’utiliser des modes typiques de la musique celtique (mode de sol dans Kimiad). Quelquefois, j’introduis des chromatismes, mais en faisant attention à ne pas dénaturer la mélodie...
Pour le rythme, j’aime bien introduire des mesures que l’on rencontre peu en musique populaire (5/8 ,9/8 ,6/4 ...) ayant été fortement impressionné par le travail de John Mc Laughlin avec "Shakti", j’aime beaucoup travailler avec des tablas, derbukas...
A la base, deux mélodies : l’une traditionnelle bretonne, l’autre composée par un ami violoniste écossais (Gavin Marwick). L’introduction est très simple, avec le chant sur un ostinato de guitare en accord ouvert (ré, la ré, sol, la, ré) joué en harmoniques (c’est une technique que j’ai entendue très souvent dans les disques des guitaristes bretons tels que Soig Siberil, Gilles le Bigot...).
Pour l’harmonisation de la voix, j’ai demandé à Blenwenn Mevel de garder le rythme sans la mélodie et de chanter sur une seule note "bourdon" : le ré (un exercice pas si évident que ça !).
Au milieu du couplet, il y a un contrechant d’alto et le violon double la mélodie la contrebasse arrive en pizz (notre ami Xavier Lugué de l’Orchestre de Contrebasses). Le tout est harmonisé dans le mode de sol, c’est à dire que dans ce mode de ré majeur, le do est bécarre et ça donne un enchainement VII/I qui sonne différemment de la gamme de ré majeur (il faut savoir que ce mode est le mode de base de la cornemuse). Cette manière d’harmoniser n’est pas d’une grande originalité car elle est très pratiquée en musique celtique, mais dans le contexte de cette mélodie j’aime bien cette sonorité.
Le deuxième couplet est fait de contrechants entre les cordes... une petite transition sur le texte" Ma bro kaer Breizh Izel" (Mon cher pays la Basse-Bretagne).
Arrive la deuxième mélodie jouée au violon sur un autre ostinato de guitare, puis, une fois que le thème est annoncé, le groupe de folk se transforme en groupe de "jazz" avec les interventions de Grégoire Hennebelle au violon. D’ailleurs, au milieu des chorus, vous entendrez un instrument grave qui n’est pas un alto mais un violon ténor (justesse difficile à maitriser !), le père de Grégoire est luthier et on a fait un essai !
La reprise du chant se fait avec les mêmes ingrédients... Une fois fait l’enregistrement de toutes ces pistes, il faut procéder au montage et au polissage de façon à présenter tous les musiciens au mieux de leur forme !
Yves Menez était un accordéoniste qui vivait à Paris dans les années 1930 et il a eu le génie d’adapter la gavotte, danse très populaire en Bretagne, au jazz qu’il avait entendu au contact des accordéonistes parisiens. Les themes d’Yves Menez sont passés dans la tradition. Puisque nous avons dans Arz Nevez une guitare, un violon et un violoncelle, j’ai repris une suite de 3 parties de gavotte, et replacé les thèmes dans le contexte de l’époque : pourquoi ne pas imiter le son du hot club de France ?
Concernant l’harmonisation, je l’ai faite d’oreille avec ma guitare en accord ouvert et je suis parti de cette base pour construire les autres parties avec des riffs, comme en jazz (sur le disque nous avons la contrebasse de Xavier, mais sur scène, ça sonne très bien avec le violoncelle). C’est Eric Nedelec qui fait la partie de guitare "pompe" et l’excellent Jean Luc Chevalier (guitariste de Tri Yann et aussi de Magma !) qui fait le chorus de guitare (corde nylon). Grégoire, comme à son habitude est très à l’aise dans ce domaine aussi !
Pour tout vous dire, je pense que j’ai beaucoup de chance de pouvoir travailler avec de si bons musiciens ! Car sans eux, le travail resterait sur mon ordinateur et le résultat vous paraitrait bien triste [rires] !"